Chronique de mon erreur judiciaire
vois pas, dans le suivi que nous avons pu avoir, quelque chose qui aurait pu nous mettre sur la voie. »
Quelle énormité ! Cette personne a suivi ces enfants entre 1995 et 2000, mais elle n’a rien vu des trois cents cassettes vidéo pornographiques exposées sans discrétion à proximité de la télévision des Delay. Jamais vu non plus les verrous que Myriam Badaoui avait installés aux chambres de ses enfants. Rien vu de la violence qui régnait dans ce couple infernal. Et il faut réellement la pousser à bout pour qu’elle admette à demi-mot qu’il existait un climat de mauvais traitements, ayant, seulement une fois, reçu le signalement de traces de coups sur un des enfants.
Évidemment, les avocats de la défense s’en donnent à cœur joie. Pour toute réponse, elle tente, maladroitement, de minimiser ses erreurs en rejetant le mauvais fonctionnement du système social sur les instances supérieures. Des arguties qui ne prennent pas : elle est mise à mal et, à travers elle, la responsabilité des services sociaux très engagée.
Elle se fait même sermonner par le président de la cour, par l’avocat général et ceux des parties civiles. Quand vient le tour de maître Pascale Pouille d’interroger M me Joly, elle lui déclare tout de go qu’elle n’a pas fait son travail, que les services sociaux ont été dramatiquement inefficaces, laissant accuser nommément des personnes dont elle ignorait l’identité. Et là, coup de théâtre. L’avocate passe le micro à Myriam Badaoui qui assène :
— Monsieur le Président, je ne sais pas comment vont le prendre messieurs et mesdames les jurés, ce n’est pas évident de dire que les enfants sont des menteurs, mais j’ai suivi. Je suis une malade, une menteuse, j’ai menti sur tout. Pourquoi ? Parce que j’ai suivi les enfants, je ne voulais pas qu’on me traite de menteuse.
Ensuite, enfin avec la vérité à la bouche, elle interpelle un à un les accusés innocents en leur demandant pardon. Quand vient mon tour, elle me dit :
— Maître Marécaux, vous n’avez rien fait, je ne vous connais pas, et vous demande pardon.
Je m’effondre en larmes. J’ai le micro en mains parce que je suis prêt à lui accorder mon pardon, mais mes sanglots sont trop lourds pour qu’on m’entende. Enfin, cette folle se décide à dire la vérité ! Quel soulagement. Quelle stupéfaction aussi dans la salle.
Maître Bachira Hamani, conseil d’Aurélie Grenon, intervient alors pour indiquer que sa cliente a aussi quelque chose à déclarer. Cette jeune femme, complice de Myriam dans ses accusations mensongères, vient alors à la barre et avoue à son tour :
— Ben en fait, quand j’ai accusé ces personnes, c’est parce que j’ai entendu Myriam les citer, alors je l’ai suivie mais je sais que c’est pas bien, c’était sur sa demande.
*
Dans la confusion générale, les avocats des accusés réclament la poursuite des débats pour crever l’abcès jusqu’au bout, mais le président choisit de suspendre la séance jusqu’au lendemain. Pourquoi ? Je m’interroge encore. En tout cas, la séance est ajournée. En pleurs, le conseil de David Delplanque, maître Fabienne Roy Nansion, se jette dans mes bras en me répétant :
— Mon pauvre Alain, qu’est-ce qu’on t’a fait ?
Maître Bachira vient également me consoler. À l’avocat général, que j’éprouve le besoin d’aller voir soutenu par maître Delarue, je demande :
— J’espère, monsieur le procureur, que vous n’avez jamais douté de moi.
Et lui de me répondre :
— Sachez, maître Marécaux, que vous avez toujours gardé ma confiance mais il y avait des charges et je ne pouvais pas faire autrement.
— Vous savez bien, monsieur le procureur, que j’ai toujours fait mon travail dans le respect des parties, lui dis-je alors. La seule chose que vous pouviez me reprocher était de ne mettre ni cravate, ni costume.
— Oui et c’est peut-être cela qui vous a perdu. De toute façon, je crois avoir contribué, bien que modestement, à la déclaration de Myriam Badaoui et à l’éclatement de la vérité, conclut-il.
Mais, lorsqu’il reviendra sur cette profession de bonne foi dans ses réquisitions, je réaliserai combien ces propos étaient ambigus.
Quant à maître Normand, avocat des parties civiles, il me serre la main en s’excusant mais je lui affirme ne pas lui en vouloir. Maître Pouille m’exprime aussi ses regrets.
*
En
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