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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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sortant de la salle, effondré par tant de tension et d’émotions contradictoires, tandis que maître Delarue continue à me soutenir, devant des journalistes je déclare :
    — Ce qui m’est arrivé à moi peut vous arriver à vous tous demain. On peut venir vous chercher parce que des personnes ont déclaré des choses, et vous foutre en taule, vous foutre au trou, sans preuve.
    En larmes, je parviens à ajouter : « J’ai tout perdu, mes enfants, ma maison, mon Étude », puis je quitte le palais de justice avec ma filleule Valérie et mon neveu Damien, obsédé par la responsabilité de cette instruction et par celle de l’État. Comme le dit de son côté maître Dupont-Moretti, avocat de Roselyne Godard : « On a sacralisé à outrance la parole des enfants, ce qui a amené cette catastrophe judiciaire, et l’institution judiciaire n’a pas fait ce qu’il fallait, d’où ce gâchis. L’acquittement de ces gens, ce ne sera pas la victoire de la défense, mais la victoire de la justice. Ce dossier a explosé, c’est une sorte de libération. »

Chapitre 36

Le procès, Acte II, scène 3
ou
19 mai 2004, la confirmation
    Le lendemain, suite au salvateur rebondissement de la veille, le procès reprend. Je le sens : le public comme les journalistes nous regardent autrement. Non plus en pervers effrayants mais en victimes effrayées d’une incroyable erreur judiciaire. Entre nous, les accusés, un nouveau soutien naît : une solidarité sourde de gens unis par la communauté de calvaire. Mais, ne rêvons pas trop, entre ces révélations et le verdict, il y a encore beaucoup de chemin à faire. Et d’embûches à éviter.
    Comme les déclarations de nos dénonciatrices de la veille n’ont pas été actées, le président de la Cour décide de réentendre les deux principales accusées revenues sur leurs déclarations.
    Myriam Delay confirme point par point que seuls son mari, Aurélie Grenon, David Delplanque et elle-même ont participé aux viols de six enfants : les siens et ceux du couple de voisins. Elle explique même que la mise en cause de l’huissier Marécaux et de son épouse, personnes qu’elle n’avait jamais vues auparavant, a été consignée sur procès-verbal une fois qu’on lui a soumis notre nom. Elle ajoute être consciente d’avoir « brisé des vies » et que c’est l’audition de son propre fils qui l’a poussée à dévoiler la vérité. En revanche, elle ne peut demander pardon, ce terme relevant pour elle du « gros mot ».
    *
    Aurélie Grenon, de son côté, si elle confirme l’innocence des treize autres accusés, se dit, à la différence d’hier, innocente des viols commis. Et de déclarer : « Je n’ai jamais touché un enfant, j’aurais jamais été capable de le faire, jamais, elle le sait très bien. »
    Elle, qui jusque-là s’accusait du viol des petits Delay, se rétracte et disculpe son ancien compagnon : « En ma présence, il n’a jamais touché à aucun enfant. »
    *
    Le président souhaite alors réentendre Thierry Delay et David Delplanque, qui confirment la présence d’Aurélie Grenon aux viols tout en disculpant à leur tour les treize autres accusés.
    Les avocats des innocents disculpés encore incarcérés présentent alors une demande de mise en liberté. Tous, moi le premier, pensons qu’elle sera évidemment acceptée mais, contre toute attente, aussi incroyable que cela puisse paraître, à l’exception de Sandrine Lavier, la Cour refuse ! Une décision étonnante allant même à l’encontre de l’avis de l’avocat général qui, « au vu des nouveaux éléments », ne s’était pas déclaré opposé à ces huit remises en liberté, pourvu qu’elles soient assorties du contrôle judiciaire. À quoi correspond ce choix ? Pourquoi la Cour maintient-elle en détention des personnes qui, depuis le début du procès, clament leur innocence et ont été disculpées ? En entendant cette décision, les familles hurlent au scandale. Dans ce procès, alors qu’on aurait pu croire qu’une leçon avait été tirée, à nouveau certains témoignent de leur aveuglement et persistent à refuser la vérité.
    La colère gronde. Dans la salle des pas perdus, au sein du tribunal comme dans la cour du palais de justice, le tollé est unanime : « C’est une honte ! » murmure-t-on. Même le porte-parole du gouvernement et le garde des Sceaux sortent le soir même de leur réserve après avoir pris note du fiasco

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