Chronique de mon erreur judiciaire
ratage judiciaire sans le rôle majeur accordé aux experts ? Beaucoup d’observateurs pensent que non et, d’entrée de jeu, les auxiliaires de justice admettent implicitement leur responsabilité tant, sentant le vent en train de tourner, ils essaient de réduire la portée des mises en cause proférées par les enfants. À les en croire, alors que certains d’entre eux ou de leurs confrères ont fait exactement le contraire, dans cette histoire il est essentiel de relativiser leur parole, même s’ils avaient pour la plupart un indiscutable statut de victime. Des précautions d’usage qu’il aurait fallu appliquer.
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Il y a au moins des enseignements à tirer des discours tenus par ces experts au procès. D’abord que la psychologie est à la fois soporifique et sans rapport avec une science exacte. Ensuite, et je m’en doutais, que tout réside dans la façon de formuler les choses. Ainsi, un pédopsychiatre affirme à la Cour qu’ont été posées aux enfants des questions orientées et tendancieuses entraînant de leur part des déclarations pouvant « être crédibles sans être toutefois la vérité ». Conclusion : en pleine souffrance « un enfant peut accuser quelqu’un d’autre ».
Comme si la découverte de ces précautions non appliquées ne suffisait pas, un nouveau psychodrame intervient peu de temps après. Les avocats de la défense déposent en effet une demande pour donner acte à la cour d’assises de constater la partialité de Jean-Luc Viaux, expert ayant « analysé » la crédibilité de certains enfants, en train de se répandre dans les médias sans la moindre mesure, et ce en violation des articles 311 et 328 du code de procédure pénale ainsi que de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme. Si l’avocat général convient que ses interventions dans la presse relèvent d’un manquement à la déontologie, il argue que son rapport étant déjà au dossier, il convient quand même de l’entendre témoigner.
En attendant son entrée, c’est à M me Gryson qu’il revient de s’expliquer. Laquelle tient des propos bien en dessous de ses affirmations écrites et précise que si c’était à refaire, il faudrait aussi interroger des psychothérapeutes. Quand le président lui demande s’il ne faudrait pas plus de prudence dans les rapports et le choix des intervenants, elle lui réplique en mettant directement en cause les travaux du docteur Bensussan, pourtant renommé, uniquement parce qu’il est un simple psychiatre généraliste ! Ce qui ne l’empêche pas, elle, de comparer un dessin montrant une rose, une tulipe et une marguerite à la représentation sexuée du corps.
Finalement autorisé à s’exprimer, Jean-Luc Viaux avance de son côté n’avoir jamais été en quête d’une vérité judiciaire, admet que des erreurs surviennent dans toutes les disciplines et que, dans l’esprit d’un enfant de huit ans, si un adulte dit quelque chose, c’est vrai. Poussant plus loin sa réflexion, il pense que les interrogatoires des enfants dans le cadre de l’instruction n’ont pas été conduits correctement dans la mesure où ils étaient listés alors qu’il ne faut jamais poser de questions directes. Concernant sa propre expertise, cet expert ajoute qu’elle n’a pu être réalisée dans des conditions optimales parce qu’on l’a poussé à travailler dans l’urgence, son rapport s’en trouvant de facto truffé de fautes d’orthographe. Il conclut son intervention en soulignant que les déclarations des enfants ne sont pas homogènes et même se contredisent.
Pas de doute, c’est l’hallali. Si jour après jour l’instruction a été assaillie de toutes parts, cette fois c’est une vraie voie d’eau qui menace de la couler. Dans la salle, le travail de Fabrice Burgaud suscite désormais les ricanements. On entend même : « Tirez pas sur l’ambulance. » Ce qui, à tout le moins, ne fait vraiment pas les affaires des associations s’étant portées partie civile. Leurs conseils sont d’ailleurs décontenancés.
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Au final, après avoir vu défiler encore d’autres spécialistes, le public sent que les experts sont embarrassés de constater combien leurs rapports ont eu une importance considérable dans les décisions de mises en examen et les rejets des demandes de libération conditionnelle. Combien aussi, à partir de leurs conclusions, il faut être prudent et comprendre que dire de quelqu’un
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