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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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retrouve Sébastien, que j’ai revu dans les conditions si humiliantes, pour lui comme pour moi, du tribunal de Saint-Omer, et aussi Thomas, que je revois assez souvent, puisqu’il m’a été donné la grâce de lui rendre visite à son foyer. Mais pour Cécile, pour ma petite fille, c’est le choc : je ne l’ai pas revue depuis la rafle du 14 novembre 2001. Quatre années se sont écoulées depuis ce jour funeste où elle criait de terreur, alors que la police l’arrachait de mes bras ! Je la reconnais à peine, avec sa coupe de cheveux au carré et ses petites taches de rousseur sur le nez. Comme elle a grandi !
    L’ambiance est tendue. Odile et mes beaux-parents sont là, les enfants n’osent pas parler, alors que nous devons évoquer leur sort devant le juge. Sans hésitation, le magistrat décide de confier leur garde à Odile, et je me range à cette sage décision. Pour le reste, j’avoue n’avoir rien écouté de ce qui s’est dit à l’audience, tant ces instants qui rayent définitivement mon ancienne vie m’apparaissent insupportables. Je me recroqueville sur moi-même, tente de m’enfermer dans un cocon aussi isolant que possible.
    La fin de l’audience sonne comme une vraie délivrance, et j’ose enfin parler avec mes petits. Sébastien prononce devant moi ses premiers mots d’anglais, Cécile s’amuse à lire des phrases inscrites sur un tableau d’information. Thomas parvient tout juste à se détendre, encore tout bronzé de sa semaine passée dans un camp dans les gorges du Tarn. Mais son regard perdu me dit qu’il n’en a tiré aucune joie.
    D’ailleurs, même si je suis volontairement resté sourd aux dires du magistrat, j’ai quand même appris au passage que mon fils aîné venait de passer devant un juge pour enfants et ce pour « dégradations volontaires », alors qu’il s’était amusé à casser des rétroviseurs. Voilà ce qu’une monstrueuse bavure judiciaire a fait de mon fils, bon élève avec un an d’avance avant notre arrestation : un jeune garçon détruit de seize ans qui refuse toute scolarité, tout apprentissage, tout avenir.
    Très vite, d’ailleurs, Odile décidera de ne pas garder Thomas avec elle. Elle s’avouera incapable de faire face à ce garçon qu’elle trouve ingérable, trop dur. De retour en foyer social, mon fils commettra fugue sur fugue. Ce qui lui vaudra des convocations réitérées devant le juge pour enfants, une femme dénuée de compassion et qui, plus tard, l’obligera à lui dire « merci » pour la permission qui lui a été accordée de pouvoir tenter de revivre à mes côtés.
    Merci de quoi ? De l’avoir privé de ses parents ? De l’avoir cassé psychologiquement ? De l’avoir jeté dans un de ces établissements pour enfants « difficiles » ?
    *
    Mais j’en reviens à ce jour où nous sommes réunis tous les cinq, fut-ce pour quelques heures, fut-ce pour conforter, hélas, l’explosion définitive de notre petite famille. Je quitte mes trois enfants sur de longues étreintes qui me laissent sans vie. Dans la voiture de Dany, je me sens vidé, lessivé. De retour dans mon lit, je m’effondre. J’ai un mal de crâne à ne plus pouvoir ouvrir l’œil. Le pire, c’est que l’image de mes enfants retrouvés et perdus ne suffit pas à mon calvaire. Avoir revu Odile une nouvelle fois, avoir marché dans la rue avec elle et nos trois enfants me rend fou. Elle va refaire sa vie en Bretagne. Elle en aime un autre. Mais moi, je continue de l’aimer. Elle reste alors « ma petite femme chérie ». Et sa demande en divorce n’y change rien.
    *
    Je reçois des visites, je fais la connaissance d’autres « accidentés de la vie », tous désireux d’en finir. Ainsi de Frédérique, une ex-chef d’entreprise mère d’un petit garçon, qui s’est défenestrée à la suite de graves problèmes financiers et clouée, en cette année 2004, dans un fauteuil roulant. Fred me montre des photos d’elle avant sa tentative de suicide : et je découvre, stupéfait, la très belle femme qu’elle fut, aujourd’hui méconnaissable, défigurée. Ces personnes souffrent elles aussi, et le témoignage de leur chemin de vie m’apporte un précieux réconfort.
    Hormis ma propre famille, l’amour indéfectible qu’elle m’apporte depuis maintenant trois années, les anciens copains sont si rares qu’ils ne risquent pas de passer inaperçus. Parmi eux, bien sûr, Hervé Marcotte-Ruffin… Quelle chance j’ai

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