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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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femme, des bisous de mes enfants et un appel de mes parents. Cette fois, si ma nièce m’a écrit, si mes sœurs ne m’oublient pas non plus, si l’aumônier protestant Alzira se rappelle à mon bon souvenir, je manque cruellement de l’affection des miens à laquelle j’ai d’ordinaire droit. Aucune étreinte n’est possible quand on est chacun emprisonné.
    31 mai 2002. J’ai un parloir avec papa et Dominique. Mon père se plaint de sa santé, « vieillit mal », et s’ennuie depuis la disparition de maman. Comme les autres, il me conseille de « tenir ». Nos trois quarts d’heure de parloir passent comme un éclair et nos embrassades de séparation n’en finissent plus. Plusieurs fois, le surveillant tente même de nous séparer. Papa s’excuse d’en arriver à une telle démonstration de détresse, mais je goûte autant sa tendresse que son anxiété. « Tenir », soit, mais peuvent-ils seulement imaginer ce que j’endure ? En fait, me trotte toujours en tête la solution Theralene® : lorsque mes fioles seront pleines, je passerai à nouveau à l’acte. D’ici là, il faut en effet « tenir ».
    Le greffe me transmet des conclusions d’expertise dont je me moque et que je ne lis même plus. L’indifférence me gagne. À quoi bon, me dis-je. Ne reçois-je pas, chaque fois que j’y suis convoqué, de mauvaises nouvelles ? Alors je préfère me réfugier dans l’écriture. Celle de mon journal où je note tout ce qui arrive et crie mon innocence.
    *
    4 juin 2002, une audience à la cour d’appel de Douai traite du cas de mon fils aîné Thomas, hors sa présence. J’aperçois mes sœurs Thérèse et Dany puis, chose inouïe, Odile, ma femme. Enchaînée comme moi, elle reste interdite devant la situation folle que nous subissons mais au moins avons-nous le droit de nous embrasser. Quel réconfort.
    Selon la DDASS, Thomas est un garçon turbulent qui relève d’un établissement spécialisé. Une remarque que je prends très mal. Mon fils n’était pas un enfant facile, et on est parvenu à en faire un malade, un futur délinquant ! Quel immense gâchis. D’autant qu’une fois encore, la solution proposée fait fausse route. Mon fils a besoin d’amour, de compréhension, pas d’être parqué comme un voyou ou placé chez des inconnus.
    Je quitte la Cour à 11 h 30, révolté. Le bon sens a-t-il déserté les instances décisionnaires ?

Chapitre 19

Choisir la mort
ou
Pour ne plus souffrir franchir le pas
    En ce dimanche 9 juin 2002, je vais vivre mon dernier matin.
    En ce dimanche 9 juin 2002, je vais franchir le pas pour ne plus souffrir, tirer ma révérence autant qu’un signal d’alarme, aller de l’autre côté de la vie pour voir si, ailleurs, on a plus d’égards pour l’innocence.
    En ce dimanche 9 juin 2002, je vais atteindre le terme de ma démarche : mettre fin à mes jours.
    En ce dimanche 9 juin 2002, pour dénoncer ce que je subis, je vais me suicider.
    *
    Ma décision est prise et, paradoxalement, je suis « zen ». J’avale mes comprimés habituels et me prépare un solide petit déjeuner. Je me lave, me rase de très près pour affronter dignement cet ultime voyage, et passe une journée ordinaire entre mes temps d’éveil et de sommeil. Rien ne doit changer à mon comportement, inutile d’éveiller les soupçons.
    À l’approche de la nuit, je regarde le journal télévisé puis, à 21 heures, très détendu, je mets un terme à mon existence. Consciemment, dignement. Sans hésiter, je prends l’ensemble des médicaments amassés et achetés, puis j’ingurgite une fiole et demie de Theralene® diluée dans une bouteille d’eau et m’allonge.
    Avant de mourir, je prie le seigneur de m’accueillir près de lui et de pardonner mon geste, comme je l’ai demandé à Odile et à mon père dans des lettres remises au parloir et à n’ouvrir que le 11 juin.
    Ensuite, je ne me souviens plus de grand-chose, si ce n’est que je m’engourdis dans le plus grand calme. Est-ce si doux et simple, la mort ?
    *
    Mon organisme réagit lentement. Comme paralysé. Quand j’essaie de lever une paupière, j’ai l’impression d’ouvrir un voile pesant sur le monde. Suis-je enfin parvenu à mes fins ? Hélas non.
    Des personnes en blouse blanche sont ma première vision. Et ce ne sont pas des anges. Elles me forcent à manger un mélange de charbon et d’eau. Ma vue est trouble, je devine seulement être allongé dans un lit et perfusé. Je

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