Chronique de mon erreur judiciaire
distingue avec peine qui s’agite autour de moi. En revanche j’ai compris une chose : rescapé une nouvelle fois, j’en conclus que même l’Éternel ne veut pas de moi.
Après une journée passée à dormir pour oublier que je dors, voguant dans un état second et comateux, je reprends un peu mes esprits le lendemain. Là, quand j’ouvre les yeux, je me demande où je suis. À l’hôpital ? Un détail attire mon attention : un courrier sur ma tablette. De quoi s’agit-il ? D’une dénonciation d’hypothèque ! Pas de doute, avec un tel accueil c’est que je suis resté dans la « vraie » vie, celle que je voulais fermement quitter.
Résultat, je m’en veux d’avoir raté ce suicide cette fois savamment calculé. Comment ont-ils fait pour me sortir de là avec ce que j’avais pris ?
L’idée de mourir reste plus que jamais ancrée en moi, même si je n’en ai plus vraiment les moyens, aucun médicament n’étant à portée de ma main. Me pendre avec un drap ? Cette solution m’est impossible puisque je suis placé sous la surveillance de deux gendarmes. Mais, j’en suis sûr, je réessayerai.
*
Deux jours plus tard, un médecin m’avertit que mon état de santé me met dans l’incapacité de retourner en maison d’arrêt et que, en accord avec le psychiatre, je vais être transféré à l’hôpital psychiatrique « Pinel ». Qu’est-ce que je ressens ? Je l’ignore. Sous le coup du cocktail de médicaments, je flotte littéralement. Je me souviens seulement d’une période floue et douloureuse, où j’avance sans repères, vexé d’avoir raté « mon coup ». Remontent seulement à ma mémoire quelques flashs de la composition de ma chambre : un lit scellé au sol, un pot de chambre, un sas avec toilettes et lavabo, une fenêtre verrouillée et un nécessaire à repas en plastique. En somme, un décor glacé et silencieux, pire que l’idée même de la mort, la fraîcheur carcérale d’une véritable antichambre des enfers.
Pourtant, c’est dans cette pièce inhumaine que m’arrive enfin une très grande nouvelle : la mise en liberté sous contrôle judiciaire d’Odile. Dès lors une sorte de gong bénéfique résonne à mes oreilles : puisque les ennuis arrivent en rafales, je me dis que les bonnes nouvelles aiment aussi voler en escadrille. Un espoir de voir enfin les choses s’éclaircir peut renaître. Je suis tellement heureux, rechargé en optimisme, que j’annonce à qui veut l’entendre ne plus avoir envie de me suicider.
Prudents, les médecins accueillent mon discours avec satisfaction, mais souhaitent néanmoins me garder afin d’assurer mon rétablissement. Je vais donc rester cloîtré dans cette chambre d’isolement durant cinq jours, recevant chaque matin la visite de trois ou quatre infirmiers, nombre dicté par les textes administratifs parce qu’il est notifié que je suis dangereux. Et le lundi 17 juin 2002, je quitte cet hôpital. La perspective de rejoindre la maison d’arrêt d’Amiens peut paraître dérisoire puisqu’on ne préfère pas la peste au choléra, mais, compte tenu du déclic qui s’est opéré en moi avec la libération d’Odile, je suis sûr qu’une nouvelle ère arrive. Une nouvelle voie qui va entraîner un rétablissement spectaculaire de l’ordre des choses en général, et de la justice en particulier.
Chapitre 20
Un sursaut de courte durée
ou
La machine judiciaire avance tandis que ma famille vole en éclats
Amiens. Retour au « bercail ». Avec sa routine et sa violence.
Je dois ainsi retourner dans la cellule où mes affaires et effets personnels sont restés. Arrivé dans cet antre, le spectacle qui s’offre à moi me laisse pantois. Mes photos ont été arrachées du mur, mes vêtements ont été jetés à terre par un nouveau détenu qui, s’installant, a tout mis dans un coin. J’attends des excuses de l’intéressé mais il m’affirme que ce sont les surveillants qui lui ont ordonné d’agir ainsi. Avait-on déjà oublié ma présence ? Toujours est-il que cet individu doit déménager au second.
Au retour de promenade, une surprise m’attend : je vois réapparaître Jean-Pierre. Dont les premiers mots sont significatifs : « Je pensais que tu étais parti pour longtemps ! » Je pourrais lui répondre que j’ai failli partir définitivement mais je ne veux pas gâcher nos retrouvailles. Au moins une tête connue et correcte dans cet univers, que demander de plus ?
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