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Claude, empereur malgré lui

Claude, empereur malgré lui

Titel: Claude, empereur malgré lui Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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avant son accession au trône et de l’avoir cru indigne des fonctions qu’il a depuis si noblement remplies. Je ne puis croire maintenant qu’aucun de nous aie jamais pu sous-estimer ses facultés mentales et je n’y vois qu’une seule explication   : il nous a joués, d’abord par sa grande modestie, ensuite par cette volonté d’effacement qu’il montra tout au long du règne du défunt empereur. Vous connaissez le proverbe   : «   Nul marchand ne crie   : Poisson pourri   !   » Ce proverbe est tombé en discrédit sous Caligula, en un temps où tout homme avisé ne pouvait que crier «   Poisson pourri   » de peur d’éveiller la convoitise ou la jalousie de l’empereur. Valerius Asiaticus cacha sa fortune   ; Tibère Claude son esprit. Je n’avais, pour ma part, rien d’autre à cacher que mon dégoût de la tyrannie, mais je dus m’y résoudre jusqu’à ce que le moment fut venu de passer à l’action. Force nous fut, alors à tous, de solder notre marchandise défraîchie. Maintenant, Caligula est mort et sous Claude la franchise a retrouvé droit de cité. Je vais donc être franc. Mon cousin Vinicianus s’est récemment élevé avec violence contre Claude en ma présence, et il a évoqué sa déposition. Je l’ai blâmé sévèrement pour ses propos, mais sans les rapporter au Sénat, puisque la loi sur la trahison n’est plus en vigueur et qu’il est, après tout, mon cousin. (On peut se permettre de parler librement, surtout entre parents.) Vinicianus n’est pas ici ce soir. Il a quitté Rome pour aller, je le crains, rejoindre Scribonianus. Je remarque que six de ses meilleurs amis sont également absents. Sans doute sont-ils partis avec lui. Mais que représentent sept mécontents, sept contre cinq cents   ? Une minorité négligeable. Et s’agit-il d’un authentique mécontentement ou seulement d’ambition personnelle   ?
    «   Je condamne l’action de mon cousin pour trois raisons   : la première, c’est son ingratitude   ; la deuxième, sa déloyauté   ; la troisième, son manque de jugement. Son ingratitude   : le Père de la Patrie lui a spontanément pardonné d’avoir soutenu ma candidature au pouvoir et il a depuis accueilli avec une extrême indulgence les discours insolents et néfastes qu’il a prononcés devant cette assemblée. Sa déloyauté   : il a fait serment d’obéir à Tibère Claude César en tant que chef de l’État. Manquer à ce serment n’était excusable qu’au cas improbable où César lui-même aurait manqué à son serment de gouverner dans la justice, et le respect du bien public. César n’a pas manqué à son serment. Sa déloyauté envers César s’accompagne donc d’un acte d’impiété envers les Dieux par lesquels Vinicianus a juré et d’hostilité envers l’État, qui n’a jamais été aussi satisfait d’être gouverné par César. Son manque de jugement   : bien que Scribonianus parvienne peut-être à décider quelques milliers d’hommes, par le mensonge et la corruption à envahir l’Italie et même à obtenir quelques succès militaires, un seul membre de cette vénérable assemblée peut-il vraiment se croire destiné à monter sur le trône   ? Est-il un seul sénateur pour croire que les soldats de la Garde, notre plus solide rempart, passeront de son côté   ? Nos soldats ne sont pas insensés, ils savent où est leur intérêt. Le Sénat et le Peuple, eux aussi, ne sont pas insensés, ils savent que, sous Claude, ils jouissent d’une liberté et d’une prospérité que ses prédécesseurs leur ont constamment refusées. Scribonianus ne pourrait s’imposer sa loi à la Cité, qu’en s’engageant à redresser certains torts existants   ; or il se trouvera dans l’embarras en découvrant qu’il n’y a pas de torts à redresser. Je constate, seigneurs, que la révolte qui nous est annoncée a pour mobiles la jalousie et l’ambition personnelles. On nous demande maintenant, non seulement d’échanger un empereur qui s’est montré, en toutes choses, digne de notre admiration et de notre obéissance, contre un homme dont nous ignorons les capacités et dont les intentions sont suspectes mais encore de courir le risque d’une guerre civile sanglante. À supposer que César prenne la décision d’abdiquer, sommes-nous certains que les armées reconnaîtront en Scribonianus leur commandant en chef   ? Plusieurs hommes de haut rang sont infiniment plus aptes que Scribonianus à exercer

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