Claude, empereur malgré lui
n’a plus jamais osé paraître sur une scène publique.
Le troisième jour, le clou du spectacle fut la pyrrhique ou danse du sabre, originaire des cités grecques d’Asie Mineure. Elle fut exécutée par les fils des notables de ces villes, invités par Caligula qui voulait, prétendait-il, les faire danser pour lui ; en réalité, il comptait les garder en otages pour s’assurer la docilité de leurs parents quand il se rendrait en Asie Mineure et userait de ses méthodes habituelles d’extorsion pour amasser de l’argent. Apprenant leur arrivée au palais, Caligula était allé les inspecter et comme il se préparait à leur faire répéter le chant qu’ils avaient appris en son honneur, Cassius Chereas s’approcha de lui pour lui demander le mot de passe. C’était le signal de son assassinat. Les jeunes garçons dansaient donc maintenant avec une joie et un talent renouvelés, sachant à quel sort ils avaient échappé. Je les récompensai tous en leur accordant la citoyenneté romaine et les renvoyai chez eux au bout de quelques jours, chargés de cadeaux.
Les attractions des quatrième et cinquième jours se déroulèrent au Cirque, superbement décoré avec les triples colonnes dorées de ses meta et ses barrières de marbre, et dans les amphithéâtres. Il y eut douze courses de chars et une course de chameaux, ce qui constituait une nouveauté amusante. Dans les amphithéâtres furent tués trois cents ours et trois cents lions et il s’y déroula une grande rencontre de gladiateurs. Caligula avait passé commande en Afrique des ours et des lions juste avant sa mort et ils venaient seulement d’arriver. Je déclarai en toute franchise au peuple :
— C’est le dernier grand spectacle de bêtes fauves que vous verrez pendant un certain temps ; je vais attendre que les prix descendent avant d’en faire venir d’autres. Les tarifs des marchands africains sont devenus exorbitants. S’ils ne veulent pas les baisser à nouveau, ils devront trouver un autre débouché pour leur marchandise, mais je pense qu’ils seront bien en peine d’en découvrir un.
Cette décision flattant le sens commercial de la foule me valut ses acclamations. Ce fut donc la fin du festival, à l’exception d’un vaste banquet que j’offris ensuite au palais aux nobles et à leurs épouses, ainsi qu’à quelques représentants du peuple. Plus de deux mille personnes furent servies. Il n’y eut pas de mets extravagants, mais ce fut un repas bien conçu, avec du bon vin et d’excellentes viandes rôties et je n’entendis personne se plaindre de l’absence de pâtés aux langues d’alouette ou de faons d’antilope en aspic ou d’omelettes aux œufs d’autruche.
CHAPITRE 8
Je fus à bref délai amené à prendre une décision quant aux combats à l’épée et à la chasse aux bêtes sauvages. Tout d’abord, les bêtes sauvages. J’avais entendu parler d’un sport en vogue en Thessalie qui présentait le double avantage d’offrir un spectacle palpitant et de n’engager que des dépenses limitées. Je l’introduisis donc à Rome pour remplacer les habituelles chasses aux lions et aux léopards. Il se pratiquait avec des jeunes taureaux sauvages. Les Thessaliens excitaient la bête en lui plantant des sortes de petits dards dans la peau quand elle émergeait de l’enclos où elle avait été enfermée, – pas suffisants pour la blesser, simplement pour l’irriter. La bête les chargeait et ils esquivaient alors adroitement par des bonds de côté. Ils n’étaient pas du tout armés. Parfois, pour tromper le taureau, ils tendaient devant lui des tissus colorés ; quand la bête fonçait sur l’étoffe, l’homme écartait brusquement le bout de tissu au dernier moment sans bouger de place. Le taureau ne manquait jamais de charger le tissu en mouvement. Ou encore, au moment où il fonçait, les hommes sautaient en avant et d’un seul élan passaient au - dessus de l’animal ou alors lui chevauchaient un instant la croupe avant de remettre pied à terre. Le taureau petit à petit se fatiguait, tandis qu’ils poursuivaient leur audacieux manège. L’un d’eux par exemple tournait carrément le dos au taureau, penché en avant, la tête entre les jambes, puis, au moment où le taureau fonçait, il exécutait un saut périlleux en arrière et atterrissait debout sur les épaules de la bête. Il était courant de voir un homme faire le tour de l’arène en équilibre sur le
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