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Claude, empereur malgré lui

Claude, empereur malgré lui

Titel: Claude, empereur malgré lui Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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n’oublierai la façon dont il m’a traité. Mon âme même après ma mort s’en souviendra et se souviendra également de tous les hauts faits glorieux que j’ai accomplis pour lui. —   Bois donc   », dit Thaumastus. Mais Silas ne voulait rien savoir. Thaumastus essaya de raisonner ce fou, mais il insista pour que son message me fût transmis et refusa le vin. C’est ainsi que Silas est toujours en prison et qu’il m’est impossible de le libérer   ; comme Cypros le reconnaît.
    Cette affaire à Doris m’a beaucoup amusé. Tu te rappelles ce que je t’ai dit à ce banquet d’adieu où nous étions tous les deux tellement ivres et francs comme des Samaritains   : Tu seras un Dieu, mon Ouistiti, malgré tous tes efforts pour ne pas le devenir. Ce sont là des choses qu’on n’empêche pas. Quant à mon allusion au cochon de lait farci de truffes et de châtaignes, je crois en savoir la raison. Je suis devenu un si bon Juif que jamais, jamais en aucune occasion je ne laisse la moindre parcelle d’aliment impur franchir mes lèvres —  ou du moins si je le fais, personne n’est au courant à part moi, mon cuisinier arabe et la Lune qui m’observe. Je m’abstiens même lorsque je visite mes voisins phéniciens ou dîne avec mes sujets grecs. Quand tu m’écriras, donne-moi des nouvelles de ce vieux fourbe de Vitellius et de ces intrigants d’Asiaticus, Vinicius et Vinicianus. J’ai envoyé mes plus extravagants compliments à ta ravissante Messaline dans ma lettre officielle. Adieu donc pour le moment et continue à penser du bien (plus qu’il n’en mérite) de ton vieux camarade de jeux,
    Le Brigand.
     
    Il faut que je m’explique au sujet de cette «   affaire de Doris   ». Malgré mon édit, quelques jeunes Grecs dans une ville de Syrie appelée Doris s’étaient procuré une statue de moi et introduits dans une synagogue juive où ils l’avaient installée à l’extrémité sud, comme pour y être vénérée. Les Juifs de Doris en appelèrent aussitôt à Hérode, leur protecteur naturel, et Hérode alla trouver personnellement Pétrone à Antioche pour formuler une protestation. Pétrone écrivit aux magistrats de Doris une lettre sévère, leur ordonnant d’arrêter les coupables et de les lui envoyer sans délai pour qu’ils soient châtiés. Selon Pétrone le délit était de double nature, ils avaient non seulement outragé les Juifs dont la synagogue souillée ne pouvait plus servir à la célébration du culte, mais également moi-même en violant effrontément mon édit concernant la tolérance religieuse. Sa lettre comportait une curieuse remarque   : la véritable place de ma statue n’était pas dans une synagogue juive mais dans un de mes propres temples. Il pensait, je suppose, que j’avais enfin cédé aux supplications du Sénat et qu’il était par conséquent politique d’anticiper ma déification. Mais je persistais à refuser cette promotion avec la plus extrême fermeté. On peut imaginer à ce point toute la peine que se donnaient les Grecs d’Alexandrie pour gagner mes faveurs. Ils m’envoyèrent une députation pour me féliciter de mon accession au trône et me proposer de me construire et de me dédier un temple splendide, aux frais de la cité   ; ou encore si je refusais, de construire et de remplir de livres une bibliothèque des Études italiennes et de me la dédier comme au plus éminent historien vivant. Ils demandaient également l’autorisation de donner, chaque année le jour de mon anniversaire, des lectures publiques spéciales de mon Histoire de Carthage et de mon Histoire d’Étrurie . Les deux ouvrages devaient être lus de bout en bout par des récitants triés sur le volet qui se relaieraient, le premier dans l’ancienne bibliothèque, le deuxième dans la nouvelle. Ils savaient que cette proposition ne pouvait manquer de me flatter. En acceptant cet honneur, je ressentais à peu près ce que les parents de jumeaux mort-nés pourraient ressentir si, quelque temps après l’accouchement, les petits cadavres glacés attendant leur inhumation dans un panier entreposé dans un coin se mettaient soudain à rayonner de vie et de chaleur et à pleurer et éternuer à l’unisson. Après tout, j’avais passé plus de vingt des meilleures années de ma vie sur ces livres et m’étais donné un mal infini pour apprendre les différentes langues nécessaires à la collecte et à la vérification de mes documents   ; et à ma

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