Clio Kelly et l'éveil de la gardienne
plancher.
Ses yeux s’arrondirent sous la terreur qui la frappa de plein fouet : autour d’elle, le sol était recouvert de sang ! Derrière elle, la porte claqua et ses poings s’abattirent sur le bois avec force pour qu’elle s’ouvre à nouveau... en vain.
« Clio... Clio…Clio… »
Les traits de son visage se déformèrent lorsqu’elle se retourna pour voir qui l’appelait : s’élevant de la mare de sang, des silhouettes sans visage tendaient vers elle des mains squelettiques. Lorsque la première referma sa poigne autour de sa cheville, elle ne put s’empêcher de hurler.
— CLIO !
Ses yeux s’ouvrirent d’un coup. Une violente douleur lui martelait la jambe. La gorge aussi sèche que le désert, elle tenta d’humidifier ses lèvres sans grand résultat. Les crocs d’Hermès s’étaient refermés sur sa cheville, l’inquiétude brillait dans son regard. Ne trouvant pas de moyen pour la réveiller, il n’avait eu d’autre choix que de la mordre. Heureusement, seule une légère marque rougissait sa peau.
Clio resta assise un long moment sur le sol, Hermès blotti contre elle. Attendant que la course folle de son cœur reprenne peu à peu son rythme normal, elle laissa le calme la gagner. La fourrure hérissée pour se rendre plus volumineux, Hermès soupirait de plaisir tandis qu’elle le grattait entre les deux oreilles.
— Ça va aller, dit-elle, plus pour se convaincre elle-même que son compagnon.
— Qu’est ce qui s’est passé ?
Elle resta silencieuse, préférant taire sa nouvelle tentative. Portant son attention sur la boule de poils, Clio n’arrivait toujours pas à se faire à l’idée que, sous cette forme animale, se dissimulait un dieu grec !
— Dis-moi, Hermès, que… qu’est-ce qu’on attend de moi ? Quel est le rôle de la gardienne ? Et toi ? Quel est ton rôle à mes côtés ? Qui suis-je réellement ? Clio, une simple jeune femme de vingt-deux ans comme les autres ou bien Clio, la Muse de l’Histoire, une déesse de l’Antiquité ?
Les oreilles du renard s’aplatirent sur son crâne, sa truffe froide vint se frotter contre la joue brûlante de sa compagne. Il comprenait son désarroi.
— Je ne peux rien dire Clio, ce n’est pas encore le moment. Sache seulement que je suis là pour te protéger, je resterai tant que tu auras besoin de moi. Je te le promets. Bientôt, tu sauras tout.
Lorsqu’elle l’avait vu prendre forme humaine la première fois, la jeune femme, quoique surprise, avait eu le sentiment de reconnaître ce visage. Elle venait tout juste d’atteindre sa majorité quand elle avait appris qui était vraiment son petit compagnon. Son univers avait depuis entièrement basculé.
Ce qui s'était dit cette nuit-là restait vague dans son esprit, ses souvenirs lui apparaissaient comme les scènes d'un rêve : elle revoyait le temple d'Athéna, elle se rappelait de cette table de marbre sur laquelle elle s'était retrouvée enchaînée, un poignard levé au-dessus d'elle prêt à être plongé dans sa poitrine. Un grondement semblable au tonnerre s’était répandu dans le sanctuaire, l’air s’était rafraîchi jusqu'à devenir glacial. Une brume s’était levée et trois personnes étaient apparues, trois divinités. Dans un éclair, son bourreau avait été projeté à travers le temple. Vaguement, elle parvenait à se rappeler les visages de Janus et d’Hermès, mais ne gardait aucun souvenir de la femme qui les accompagnait.
Une fois libérée, on l’avait conduite en lieu sûr, puis on lui avait dévoilé sa véritable nature. Elle était un Esprit Ancien, une divinité grecque qui s’était réincarnée dans un corps humain. Clio, Muse et gardienne protectrice de l’Histoire. Si elle était revenue dans le monde des Hommes, c’était pour accomplir une mission, dont elle devait encore tout ignorer.
« Protège et sers la terre »
Voilà tout ce qui lui restait de cette nuit.
Dès lors, Clio s’était plongée dans les récits mythologiques. Bien que ces écrits aient été laissés par des humains, la jeune femme avait eu la sensation de retrouver une famille qu’elle avait crue à jamais perdue.
— Allez, lève-toi, tu vas être en retard.
La panique l’envahit lorsqu’elle réalisa qu’il était déjà neuf heures : son rendez-vous devait avoir lieu dans trente minutes à la faculté de médecine. Avec une rapidité qui l’étonna elle-même, elle fut prête à temps, son matériel de
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