Clio Kelly et l'éveil de la gardienne
travail bien à l’abri dans son sac. Elle embrassa rapidement Hermès et quitta son appartement.
Le trajet lui prit un peu moins d’un quart d’heure. À son grand soulagement, la tempête qui avait sévi la veille s'était dissipée. Même si le sol était couvert d’une épaisse couche de neige, Clio n’avait aucun problème pour avancer. Quinze minutes plus tard, elle se trouvait bien au chaud, une tasse de thé entre les mains, installée dans la salle réservée aux professeurs.
Muriel Henry, qui enseignait l’anatomie depuis près de dix ans, lui avait proposé de lui tenir compagnie. Il s’agissait d’une femme assez grande, mince, au corps noueux. Elle avait le visage parsemé de taches de rousseur et ses cheveux d’un roux pâle étaient tirés en arrière en une queue-de-cheval. À son entrée dans la pièce, Clio avait ressenti une étrange impression : cette personne dégageait une aura douce, différente de celle commune aux humains...
— Je pense que le professeur Allan Gheerbrant ne devrait plus en avoir pour longtemps. Son cours se termine bientôt.
L’enseignante rinça sa tasse avant de la ranger avec les autres, lui adressant un sourire chaleureux. Sans laisser l’occasion à la journaliste de l’interroger, elle quitta la pièce avec, sous le bras, des dossiers qu’elle devait remettre à ses élèves.
Clio resta plusieurs minutes assise, enveloppée par le silence de la grande salle qu’elle jugeait sinistre. Soudain, elle sentit un frisson parcourir sa nuque, comme si une main glacée venait de se poser sur elle. Clio tenta de bouger mais son corps refusait de lui obéir, prisonnier d’un filet ! Elle perçut alors un souffle près de son oreille, quelqu’un se trouvait à ses côtés sans qu’elle puisse le voir... Cette respiration fut suivie d’une voix qui lui fit dresser les cheveux sur la tête :
— Être impur, le temps des Esprits Anciens ainsi que des Célestes est révolu... aucun de nous n’a plus sa place sur cette terre, à cette époque maudite des hommes. L’heure approche où la déesse céleste sortira de son sommeil pour commencer son règne...
La pression exercée sur son épaule se déplaça sur son cou. Les doigts invisibles se resserrèrent autour de sa gorge sans qu’elle puisse bouger d’un pouce. Sa vision se troubla, l’air se raréfia. Elle était en train de suffoquer quand la porte s’ouvrit sur Allan Gheerbrant. Aussitôt, la pression disparut. Elle fut secouée par une violente toux et l’oxygène parvint de nouveau à remplir ses poumons.
— Mademoiselle ! Est-ce que ça va ? s’inquiéta le professeur Gheerbrant en se précipitant à ses côtés. Vous voulez un peu d’eau ?
— Oui, ce serait aimable à vous, répondit-elle alors qu’elle reprenait des couleurs. Merci. Je me suis brûlée avec mon thé.
L’eau froide apaisa aussitôt la douleur.
— Puis-je savoir qui vous êtes ? l’interrogea Gheerbrant, prenant place sur la chaise abandonnée par sa consœur quelques minutes plus tôt.
Clio sortit une petite carte de sa poche qu’elle tendit au professeur, lequel lut à haute voix :
— Clio Kelly, journaliste au journal de l’Opéra. Vous êtes donc la personne que j’attendais pour l’interview. Moi qui pensais à l’un de ces vieux casse-pieds, je me retrouve face à une charmante jeune femme ! Si j’avais su, je vous aurais demandé de venir plus tôt !
Le quinquagénaire éclata de rire en répétant le nom du journal. Clio en fut étonnée, mais se garda de faire le moindre commentaire.
— Je connais votre patron, un homme avec le plus mauvais caractère qu’il m’ait été donné de rencontrer ! Je suis surpris qu’il m’envoie de nouveau un de ses reporters, surtout après la dispute que j’ai eue avec le dernier... Mais vous semblez être une personne délicieuse, je veux bien répondre à vos questions.
— Je vous remercie de m’accorder un peu de votre temps, monsieur Gheerbrant,
— Mais c’est tout naturel, Mademoiselle Kelly. J’ai connu un Kelly autrefois, seriez-vous anglaise ?
— Non, je suis d’origine irlandaise et écossaise, répondit Clio. Ma grand-mère venait d’Irlande ; elle a épousé mon grand-père qui, lui, était Écossais et ma mère a épousé un Français. Je porte le nom de jeune fille de ma mère. Dans notre famille les femmes portent le nom maternel, ne me demandez pas pourquoi, c’est une tradition.
— Voilà qui nous donne un mélange
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