Clio Kelly et l'éveil de la gardienne
pentacle... Ça te va comme réponse ?
— Il est temps d’éclaircir certains points, Janus, conseilla Hermès.
Les yeux du vieil homme allèrent de l’un à l’autre, sans parvenir à se décider. Pour une fois, il aurait aimé obtenir le soutien d’Hermès et il ne put s’empêcher de jurer dans sa barbe. Avec lenteur, il prit place dans le fauteuil qui faisait face à la gardienne et, croisant ses doigts, il appuya son menton dessus.
— Tu veux la vérité, alors écoute-moi bien...
Assis à son bureau, Nicolas hésitait encore quant à l’avenir des photographies qu’il avait sous les yeux. Plus tôt dans la journée, il avait été surpris de recevoir un mail de Clio. Dans un premier temps, il n’avait pas prêté attention au texte et s’était contenté d’ouvrir les pièces jointes. La nausée lui souleva le cœur rien qu’aux souvenirs qu’elles avaient laissés dans son esprit.
Le visage enfoui dans ses mains, il savait pourtant que l’on requérait son approbation pour valider l’article, cependant il ne parvenait pas à décider quelle photo choquerait le moins. Toutes celles où le corps apparaissait avaient déjà été écartées ; il ne restait que le symbole tracé sur le mur ou une photo de la victime – utilisée d'ordinaire – qu'il n'arrivait pas à se convaincre de choisir. Or le pentacle était mieux adapté à l’article, cela ne manquerait pas de bouleverser. Un véritable dilemme !
On frappa à la porte mais il demeurera silencieux. Un moment plus tard, Mathilde pénétrait dans l'antre du dragon, sans y avoir été invitée.
— On n’attend plus que toi !
Pour toute réponse, Nicolas lui adressa un grognement lourd de menaces. Peu lui importait qu'il se fasse désirer ; il retourna aux photos.
— Nicolas, s’il te plaît, il est tard ! Si nous n’apportons pas l’article, le journal sortira sans lui !
Elle s’avança et posa sa main sur son épaule. Il se crispa sous le geste, sans pour autant la repousser. Mathilde était l’une de ses plus anciennes journalistes et la personne dont il était le plus proche. Il existait entre eux un amour platonique, une sorte de barrière que ni l’un ni l’autre ne se sentait le courage de franchir pour vivre une relation sérieuse.
— Laquelle ?
— Celle de la victime. Clio décrit l’emblème donc je ne pense pas qu’on ait besoin de le montrer. J’ai dans mes archives une photo de l’université, on pourrait la mettre en premier plan ? Et le professeur en milieu d’article ?
Il ne dit rien ; la journaliste comprit qu’il acquiesçait, à sa façon de se laisser choir dans son siège. Elle caressa avec tendresse sa joue et lui conseilla de rentrer chez lui, vu l’heure tardive. Les paupières closes, il l’entendit s’éloigner. Alors qu’elle s’apprêtait à quitter la pièce, il lui lança :
— On s’arrête au restaurant d’en face, ils sont encore ouverts. On n'a qu’à prendre quelque chose à emporter et on mangera chez toi… Ou chez moi, comme tu préfères.
— On ira chez toi pour changer. J’en ai pour deux minutes, le temps de déposer l’article, ajouta-t-elle avant de refermer la porte.
Un soupir s’échappa des lèvres de Nicolas. Jetant un regard vers la fenêtre, il jura contre le mauvais temps qui revenait. Il abandonna sa chaise et alla poser son front contre la vitre froide. Comment un meurtre d’une telle barbarie avait-il pu avoir lieu dans la ville de Paris ? En plein jour ? Dans une faculté de médecine bondée d’étudiants ? Sans que personne ait rien vu !
Clio.
L'histoire tournait et retournait dans son esprit, quelque chose clochait ; la présence de la jeune femme sur les lieux au même moment ne pouvait être une coïncidence. Le sanglant message constituait également une véritable énigme. Il avait beau y réfléchir, il ne trouvait aucune réponse. Voyant que ses interrogations ne lui provoquaient qu’une bonne migraine, il se dirigea vers son secrétaire, ouvrit l’un des tiroirs et en sortit une boîte de médicaments. Il en prit deux, accompagnés d’un verre de soda, puis s'empara de son manteau.
Il sourit en apercevant sa collègue qui l'attendait déjà, couverte de sa veste. Après avoir pris soin de fermer à double tour son bureau, il glissa le bras de Mathilde sous le sien. Ils laissèrent ainsi derrière eux les locaux du journal et disparurent dans la nuit noire, où le vent et la neige recommençaient à tomber
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