Clio Kelly et l'éveil de la gardienne

comprendre pourquoi on lui confiait, à elle, toujours les missions les plus importantes ! Elle était obsédée par ce Djabraïl leur ayant tourné le dos pour protéger la petite Muse. Il la trouvait pitoyable : Mel ne rêvait que de ramener son cher et tendre dans leur camp ! C’était l’un des nombreux problèmes qu’il fallait régler, mais chaque chose en son temps.
    — Tu vas venir avec moi, bien sûr, car tu sais que nous ne devons pas rester longtemps parmi les mortels. Nous ne sommes pas des Esprits Anciens !
    — J’arrive. Prends les devants !
    — C’est hors de question !
    S’affrontant du regard, les deux Anges ne souhaitaient que s’entretuer ; leurs mains s’étaient déjà illuminées de leurs pouvoirs, prêts à frapper… Le souffle suspendu, chacun attendait que l’autre attaque  pour avoir le prétexte de se défendre.
    « Revenez tout de suite vers moi ! »
    La voix qui résonna dans la pièce les figea, une sueur froide coula le long de leur dos ; ils devaient remettre leur querelle à plus tard car, pour l’instant, leur maître réclamait leurs présences.
    — Un jour, nous règlerons nos comptes, promit Abel avant de disparaître.
    Une fois seule, Melhistophiels reprit enfin sa respiration. La colère qui l’habitait aurait pu dévaster la ville entière si elle lui avait laissé libre cours. Oui, ils règleraient un jour leurs comptes et, ce jour-là, elle se ferait un plaisir de lui écraser la tête de son talon.
    Elle effaça toute trace de leur passage puis revint vers le pupitre de Morgan. Les yeux fermés, elle inspira profondément, capturant chaque parcelle d’air qui portait l’odeur de sa peau. Une foule de souvenirs remonta en elle. Soudain, les traits de son visage se crispèrent, elle porta son attention sur le siège voisin et ses iris violets prirent une couleur rouge sang. Une fureur encore plus grande que celle qu’Abel avait provoquée s’empara d’elle. D’un geste de la main, elle envoya les affaires de Clio se fracasser contre le mur.
    — Je te jure que tu ne te mettras pas encore entre nous ! Pas cette fois ! Je te tuerai bien avant !
    Ce fut sur cette promesse qu’elle reprit sa forme d’oiseau et disparut.

    Le visage défait, Clio avait écouté Janus sans dire un mot, le visage enfoui dans ses mains, les larmes perlant aux coins de ses yeux.
    — Cette femme a été tuée par ma faute, gémit-elle. Si j’avais été plus attentive, elle ne serait pas morte et nous aurions eu un autre Esprit Ancien à nos côtés…
    — Comment ça ? interrogea Hermès, alors que ses oreilles se dressaient sur sa tête. Que veux-tu dire par « Esprit Ancien » ?
    — Elle portait l’Athanor de la chouette, le symbole d’Athéna.
    — Une chouette ? Alors non, ce n’était pas Athéna, la rassura Janus. Il devait s’agir d’une presbýteros.
    — Une quoi ?
    — Les presbýteros sont des hommes et des femmes au service des Dieux, des sortes de prêtres et de prêtresses si tu préfères, lui expliqua Hermès.
    — Ne me dis pas qu’il y a des gens encore assez fous à notre époque pour rendre hommage aux Anciens Dieux... Aïe !
    Clio venait de se recevoir un coup de canne sur le crâne de la part de Janus. Elle toisa méchamment le vieil homme tandis qu’Hermès enfonçait sa tête dans les coussins pour dissimuler son hilarité.
    — Pour une fois que ça ne tombe pas sur moi !
    — Pour l’amour de Zeus ! Clio, tiens-toi tranquille ! s’exclama Janus d’une voix si puissante que les meubles de l’appartement tremblèrent. Sache, jeune écervelée, que ces fous – comme tu les appelles – ont été bénis par les Dieux qu’ils vénèrent ! Sache que ce sont ces mêmes fous qui pourront t’aider à accomplir ta mission !
    — En parlant de mission, tu ne m’as toujours pas expliqué mon rôle.
    Janus ouvrit la bouche pour répliquer puis la referma aussitôt. Cette inconsciente n’était pas encore prête ! pensait-il avec amertume. Toutefois, il avait si peu de temps avant le réveil qui se préparait.
    — Tu as dit que tu m’apprendrais tout ce que je voulais savoir ! lui reprocha Clio d’une voix froide.
    — Par Zeus ! grogna le dieu des portes en la foudroyant du regard. Le rôle de la gardienne est d’empêcher le retour de la déesse céleste ! Si jamais elle ou ses serviteurs parvenaient à la libérer, le monde tel que nous le connaissons disparaîtrait pour toujours…
    — Ce n’est pas la