Clio Kelly et l'éveil de la gardienne
Cerbère ou bien de Lycaon.
— Cerbère, je connais, c'est le Gardien des Enfers, un chien à trois têtes. Mais le deuxième, Lyon, ça ne me dit rien.
— Lycaon, corrigea Hermès. Il s’agit d’un homme maudit par Zeus. Il y a longtemps, il avait convié à un repas tous les Dieux de l’Olympe. Lors de ce festin, il a prouvé que, bien qu’ayant le physique d’un homme, à l’intérieur, il avait tout d’un démon : il avait osé nous servir en nourriture la chair d’un enfant… de son propre enfant...
Clio posa une main sur ses lèvres et lutta contre la nausée qui venait de la saisir. Ses yeux se fermèrent et, aussitôt, elle se vit vêtue d’une longue tunique blanche, assise à une table, entre un jeune homme blond et une jeune fille brune, et devant eux trônaient des assiettes en or qui contenaient de la viande…
— Clio ?
— Et tu penses que beaucoup de créatures comme ça sont toujours en vie à notre époque ? demanda-t-elle en dissimulant son malaise.
— En effet, il y en a eu des centaines tout au long de l’Histoire. Elles se sont parfois dévoilées aux yeux des mortels, telles que les Sirènes, les Nymphes ; elles ont pris plusieurs noms, comme Mélusine, Ondine… Ce que vous considérez, humains, pour des contes et des légendes…
Clio le regarda, étonnée. Une partie d’elle-même refusait de croire que « La Petite Sirène » et « Le Chat Botté » puissent être des histoires vraies ! Au fond d'elle, cependant, elle savait que ces histoires étaient réelles, qu’elles étaient le fruit de son passé, un passé qui ne devait être en aucun cas oublié.
— Tu dois avoir faim...
— Non, je te remercie. Je pense que je vais dormir un peu car le voyage m’a épuisé et toi aussi, tu as besoin de te reposer. Le froid qui règne ici est plus cruel que celui de Paris. Et nous sommes sur le terrain de notre ennemi, il aura l’avantage. Une raison de plus pour rester toujours sur nos gardes.
— Si tu le dis, répondit-elle en se glissant sous ses couvertures.
— Clio ! Ce n’est pas le moment de dormir, je te parle !
— Mais je t’écoute ! dit-elle, exaspérée. Je t’écoute beaucoup à mon goût. Or toi, je me rends compte que tu ne m’écoutes pas !
— Tu m’énerves ! En quoi est-ce que je ne t’écoute pas ?
— Quand je te pose des questions par exemple.
Hermès se contenta de hausser les épaules, il piétina de ses pattes l’un des oreillers et se roula en boule, lui tournant le dos.
— On en reparlera. Dors, il est tard.
Toutefois, la présence du jeune dieu avait fait disparaître toute trace de sommeil ; Clio repoussa les draps et quitta son lit. Elle ressortit le dossier et le relut pour vérifier que rien ne lui avait échappé. Elle se mordit la lèvre inférieure, espérant trouver ne serait-ce qu’un tout petit indice… Malheureusement, elle resta sur sa faim.
Alors qu’elle reposait les documents sur la table, son regard fut attiré par un objet brillant. Elle se pencha sur son bagage, plongea sa main à l’intérieur et en extirpa un bijou. Il s’agissait du serpent qu’Hermès portait à son collier. Elle fut étonnée par la chaleur qu’il dégageait dans sa paume…
Ses doigts le caressèrent et, à ce contact, le serpent frémit, la température de l’objet se répandit rapidement à travers son corps. La pièce se mit à tourner et, devant elle, se créa un vortex. Se sentant aspirée, Clio voulut hurler mais aucun son ne sortit de ses lèvres. Soulevée de terre, la gardienne disparut dans le trou noir.
Clio heurta le sol avec violence, un cri de douleur s’échappa de ses lèvres et son épaule lui donna l’impression de s’être brisée sous le choc. Se redressant, elle regarda autour d’elle et constata qu’elle se trouvait dans un immense pré. Debout, un peu plus loin, se tenait une jeune fille d’environ seize ans. Elle arborait une tenue de paysanne du XVIIIe siècle ! Vêtue d’un jupon gris taché de terre et serrée dans un corset trop grand pour elle, un bâton à la main, elle surveillait le troupeau de moutons qui broutait devant elle. Clio s'approcha pour voir les traits de la bergère creusés par l’inquiétude ; elle scrutait les environs afin de s’assurer qu’elle était bien seule.
Le soleil entamait sa descente, la nuit n’allait pas tarder à tomber, ce qui signifiait le retour à la maison pour la gardienne et ses moutons. Alors qu’elle ramassait le sac de
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