Clio Kelly et l'éveil de la gardienne
pas… pas utile !
— Je sais mon amour, mais le maître peut en avoir besoin, tant qu’il ne nous en donne pas l’ordre, nous ne devons pas la tuer !
— Si le maître n’en veut pas… elle… elle sera à moi ! Oui, à moi !
Il éclata en sanglots et se serra contre sa sœur, secoué de tremblements. La morve coulait de son nez, ce qui donna aux prisonnières la nausée.
— Oui, mon chéri, une fois que le maître aura ce qu’il voudra, elle sera à toi, et ainsi tu ne seras plus obligé de partager ton corps, toi aussi tu seras libre.
— Comment ça, partager son corps ? demandèrent Clio et Alexia d’une même voix.
Un sourire mauvais apparut sur les lèvres d’Anaïs puis elle tendit la main vers son frère. Celui-ci la repoussa avec violence et se recroquevilla contre le mur de pierres tout en marmonnant des phrases incompréhensibles. D’une voix sèche, Anaïs l’obligea à se relever et emprisonna son visage entre ses mains, le forçant à la regarder dans les yeux.
Jean-François se mit à pleurer comme un enfant, il implora son aînée qui resta insensible à ses plaintes. Elle lui ordonna d’enlever sa chemise et Jean-François s’exécuta, s’adossant à la pierre froide pour défaire les boutons de son vêtement qui, autrefois, avait dû être blanc.
Puis il en écarta les pans et leur montra son torse. Un cri s’étrangla dans les gorges des deux femmes qui détournèrent les yeux. Sur la peau blanche de Jean-François se trouvait un visage, le plus magnifique mais aussi le plus terrible que Clio ait jamais vu.
— Il y a un an, lorsque nos parents sont morts, j’ai découvert dans les affaires de ma mère un grimoire, murmura Anaïs sans regarder son frère qui continuait de sangloter. J’ai lu l’inscription qui était à l’intérieur et, dans un étrange brouillard, l’image d’une femme nous est apparue. En quelques mots elle a su nous convaincre de l’assister car si nous l’aidions à recouvrer ses pouvoirs, elle promettait de rendre la santé à mon frère. Mais je n’avais pas prévu qu’elle se réfugie dans le corps de celui-ci…
— Ainsi donc, vous êtes deux, retentit une voix irréelle provenant du torse de Jean-François.
Alexia tremblait de tous ses membres ; Clio, quant à elle, tirait discrètement sur ses chaînes, espérant les faire céder, sans grand succès.
— Voyez ce que votre Maître a fait de moi ! poursuivit la voix. Zeus et Dieu ont cru m'enfermer à jamais… Ils m’ont condamnée à n’être qu’une ombre… Mais ils ne se doutaient pas que je reviendrais à la vie. Qu’il me suffirait de prendre possession d’un autre et d’en partager le corps jusqu'à ce que je retrouve le mien… C’est pour cela qu’ils ont choisi une Gardienne, une Déesse ou une Nymphe, ayant abandonné son immortalité. Toutefois, il me reste encore à savoir laquelle de vous deux est la véritable Gardienne… Je dois l’avoir en vie !
— Bon frère ! gémit soudain Jean-François. Obéis au Maître !
— Oui, Jean-François ! chuchota Anaïs en caressant les cheveux gras et emmêlés de son cadet. Nous lui obéissons, c’est bien. Je les ai observées, Seigneur, et la Gardienne ne peut être que la brune !
— Conduisez-la dans le sanctuaire ! ordonna alors la voix. Nous allons la préparer pour la cérémonie.
— Bien, et que faisons-nous de l’autre ?
— Jetez-la dans le labyrinthe !
D’une démarche chancelante, Jean-François alla détacher Alexia. Celle-ci se débattit tant qu’elle put mais l’homme possédait une force surhumaine. Il lui assena un coup sur la nuque qui la plongea dans l’inconscience.
Clio le regarda emmener sa compagne avec impuissance. Puis Anaïs s’approcha d’elle et caressa doucement son visage.
— Quel dommage qu’une si belle frimousse doive disparaître…
Avec dédain, elle fit volte-face et regagna la porte. Là, elle s’arrêta de nouveau et se retourna vers Clio ; un petit sourire cruel s’étira sur ses lèvres et ses yeux brillèrent comme jamais de l’éclat de la folie.
— Adieu, usurpatrice.
D’un geste de la main, elle abaissa une des torches et la journaliste sentit soudain le sol se dérober sous ses pieds… Le cliquetis des chaînes résonna dans la petite salle et Clio sombra dans les entrailles de la terre.
Quand elle reprit connaissance, Clio mit quelques instants à se rappeler ce qui s’était passé. L’odeur moisie des vieilles pierres de la
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