Clio Kelly et l'éveil de la gardienne

gardienne choisie par Zeus avaient fondu comme neige au soleil depuis qu’elles avaient pénétré dans la forêt…
    — C’est encore loin ? demanda-t-elle au loup.
    Celui-ci mordit le bas de leurs pantalons ; il tirait dessus pour leur sommer de se relever. En signe de protestation, Alexia se contenta de faire claquer sa langue avec sécheresse.
    — On n’a que deux pattes, nous ! En plus, elle est blessée ! Alors laisse-nous souffler deux secondes !
    Pour toute réponse, l’animal retroussa ses babines, exhibant les longs crocs qui ornaient sa gueule, et poussa un grognement menaçant.
    — On ferait mieux d’abandonner !
    — Nous devons à tout prix trouver qui contrôle la Bête et l’occuper jusqu'à ce que Janus et les autres nous rejoignent ; nous pourrons toujours utiliser le Gyfu pour nous protéger, mais si elle nous attaque sans relâche, nous devrons, nous aussi, attaquer. Je suis certaine que tu y arriveras, ajouta Clio en guise d'encouragement.
    — Viens ! Nous avons encore du chemin.
    Dès qu’il vit que ses deux compagnes étaient prêtes à reprendre leur marche, le loup se remit en route. Clio se mordit les lèvres lorsque le vent glacial vint frapper son visage ; elles poursuivirent leur escalade.
    Alors qu’elles arrivaient à une fourche, la pierre dont Clio se servait comme appui céda, la main de sa compagne rattrapa son poignet avant qu'elle ne bascule. Le cœur au bord des lèvres, la jeune femme renonça à l’idée de regarder vers le bas, et parvint à se hisser jusqu'à Alexia.
    C’est alors que Clio se sentit envahie d'une vague de sensations qu’elle n'aurait pu décrire ; comme si elle voyait soudain à travers les yeux d'un autre, elle se vit bifurquer à gauche.
    — Il faut tourner à gauche, souffla-t-elle à Alexia. Je suis déjà venue ici dans une de mes visions !
    Alexia acquiesça sans poser la moindre question. Le chemin était encore plus escarpé et plus difficile d’accès que dans la vision. À plusieurs reprises, elles furent tentées de jeter l’éponge mais la tempête qui sévissait leur fit comprendre qu’elles ne pouvaient plus reculer. La Bête n’était pas loin et, si elles abandonnaient maintenant, elles seraient certainement les prochaines victimes du monstre car le vent lui portait déjà leurs odeurs.
    Enfin, elles arrivèrent devant l’entrée à peine dissimulée de l’antre de la créature et de son Maître. Les parois étaient recouvertes d’une mousse marron desséchée qui rendait le lieu plus sinistre encore. Des stalactites s’étaient formées au-dessus du passage dans la roche et les deux femmes durent user de la plus grande prudence pour ne pas s’y blesser. Une odeur nauséabonde leur sauta aussitôt au visage. Au moment où Alexia faisait un pas pour pénétrer à l'intérieur, Clio l’arrêta dans son élan d'une main sur son bras :
    — C’est beaucoup trop facile, chuchota-t-elle. Il sait que l’on...
    Clio n’eut pas le temps de finir sa phrase que deux détonations retentirent. Alexia ouvrit de grands yeux sous le choc : une fléchette venait de se planter dans sa poitrine et, avant que Clio ne puisse réagir, elle fut touchée à son tour.
    Saisies de puissants vertiges, elles s’écroulèrent au sol. Un rire perçant résonna aux oreilles de la Muse ; devant elle, une silhouette floue qu’elle ne connaissait que trop bien se précisa.
    — Toi !
    Ses yeux se fermèrent et elle sombra dans l’inconscience.

    Les épées s’entrechoquaient autour de lui, son arme en main était ruisselante de sang et, à ses pieds, le corps sans vie de son adversaire gisait, telle une poupée désarticulée.
    Les Célestes combattaient, les Esprits Anciens s’acharnaient, tout n’était que chaos et destruction.
    — Gabriel ! hurla l’un des siens.
    D’un battement d’ailes, il s’envola, évitant ainsi le coup que tentait de lui porter son ennemi. C’est alors qu’il la vit ; son cœur manqua s'arrêter quand l’épée transperça son agresseur. Elle, si belle, si douce, si fragile… Pourtant, la femme qui était devant lui était une véritable guerrière…
    Ce moment d’inattention lui coûta fort cher, la douleur du métal tranchant l’une de ses ailes lui arracha un hurlement de souffrance. Sa vue se troubla et il se sentit happé par le vide.
    Ce fut cette sensation qui l’arracha à son rêve.
    Le corps couvert de sueur, Morgan se leva et, d’une démarche chancelante, quitta la