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Clopin-clopant

Clopin-clopant

Titel: Clopin-clopant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Annie François
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entra qui me signala gentiment
qu’il ne fallait pas fumer dans les chambres et referma la porte. Comme nous n’étions
que deux et que François était mithridatisé, je m’autorisai à continuer. L’infirmière
chef se propulsa dans l’entrebâillement et me signifia sèchement qu’il était
interdit de fumer. Je lui rappelai que moi seule souffrais, pas elle. Elle
partit en claquant la porte. Arriva un médecin qui me lança laconiquement :
« Mademoiselle, c’est simple : oxygène + feu = boum. »
    Revenue à la raison, donc au civisme, quand l’envie m’en
prenait, je retirais délicatement ma sonde à oxygène (qui filait avec un léger
froufrou dans mes draps) et allais fumer dans les cabinets.
    En fin de matinée, j’entendis un branle-bas de combat dans
le couloir et me mis aussitôt à fredonner ce grand classique 1900 que maman
parodiait en roulant les « r » : « À l’hôpital, c’est l’heure
de la visite, le m’decin chef passe entre les lits. Numéro 13, qu’est-ce qu’elle
a cette… petite… »
    À « cette petite », il infligea une leçon
dégradante. Exécutant le test neurologique qui consiste à basculer les jambes
du patient par-dessus sa tête, il oublia délibérément de saisir ma longue
chemise de nuit en même temps que mes mollets, exposant mon « intimité »
à toute la compagnie d’internes.
    Les salopards n’ont pas toujours tort : essayant de
rétablir ma dignité, je pris conscience, tardivement, de ma part de faute. J’avais
failli faire sauter Cochin.

Auto-stop
    Si j’ai fait cet aveu, c’est que je n’aime pas le mensonge. Ni
la dissimulation, ni les cache-misère.
    Sauf quand, pour « couvrir » ma mère, je stoppais
ses tailleurs avec un cheveu, je considère, métaphoriquement et matériellement,
qu’un trou est un trou et que la reprise ne se justifie que dans l’exhibition. Tout
le monde n’est pas de cet avis : la mère de Neunœil, générale de son état
matrimonial, trouva à redire la sublime reprise rouge que j’avais faite sur le
pull bleu marine de son rejeton. Ce chef-d’œuvre absolu dans une discipline un
peu déconsidérée dans les années soixante-dix aurait pourtant dû la rassurer
sur les fréquentations de son fils.
    Je reste aussi assez fière d’un petit carré de tapisserie
fait maison qui formait une cinquantième poche à un gilet Schreiber-Hollington
dans la dixième poche duquel j’avais distraitement écrasé ma Gauloise.
    La fréquence des trous étant proportionnelle à ma consommation
de cigarettes, je me suis reconvertie à des méthodes plus modernes, plus
rapides, notamment à la percale autocollante. J’en ai de toutes les couleurs et
les pose en triangle sur les trous de cigarette avec une préférence pour le
bleu dur. On retrouve cette estampille sur mes housses de couette, pantalons, robes,
vestes, T-shirts, caracos, taies d’oreiller, chemisiers, etc.
    Le trou de cigarette a fait de moi un véritable génie du
ravaudage élevé au rang d’art décoratif.

Siffler n’est pas fumer
    J’adore siffler, surtout depuis que les effets cumulés de l’âge
et du tabac ont rabaissé mon caquet à de mâles tessitures, notamment le matin
(« Allô ! – Bonjour, monsieur, je voudrais parler à Annie. – C’est
moi. – Oh ! pardon »). Donc, à défaut de chanter, je siffle. Cette
manie, contractée dès l’enfance, irritait ma tante Zézé : « Tu n’es
pas un charretier. Si tu veux siffler, isole-toi. » Je savais déjà qu’on
ne trouvait de meilleur isoloir que les cabinets. J’y sifflais à cœur joie
comme, plus tard, mon frère y dévida ses plus gros mots. Nous l’entendions
cracher avec rage « zut, flûte ». La relégation lui faisait oublier
les autres, notamment crotte et merde, mieux appropriés.
    Donc, je siffle à la maison, au bureau, dans la rue. Mais
plus jamais aux cabinets. Je siffle indifféremment « La reine de la nuit »,
« Sous les jupes des filles », « Fanfan la Tulipe »,
« Dépression au-dessus d’un jardin ». De préférence à tue-tête. Seule
l’obligation de siffler me coupe le sifflet : rien ne sort quand je m’escrime
à attirer une amie à la fenêtre pour qu'elle me lance le code de sa porte, ou
tâche d’alerter François à l’autre bout du marché (et quand j’y arrive, c’est à
croire qu’il devient sourd : il fait comme s’il ne m’entendait pas alors
que, réciproquement, j’accours).
    Siffler me permet de

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