Comment vivaient nos ancêtres
qui lui semble torride. Et chaque printemps, tout ce monde repart sans s’être baigné jusqu’à ce qu’une duchesse russe découvre un beau jour l’agrément des bains de mer. Alors, comme à Dieppe et sur les plages de la Manche, on commence à se baigner sur les plages du Sud.
Tout est cependant compliqué dès lors que l’on veut profiter de l’eau tout en évitant le soleil. Sur la plage, pas de problème : les couturiers ont conçu des costumes de plage qui ne sont que des adaptations, en tissus plus légers et dans des teintes pastel, des vêtements portés à la ville. Sous leurs ombrelles et leurs parasols, les dames sont en crinoline, avec manches longues et chapeaux à voilette. Les intrépides qui veulent se baigner doivent s’enfermer dans des cabines de plage avec leur femme de chambre pour revêtir une tenue spéciale : pantalon long et blouse de lainage – foncé de préférence –, corset et marmotte sur la tête. Sur les plages normandes, du fait des marées, les cabines sont même surélevées avec des roues pour être tirées par des chevaux jusqu’à l’eau. Lorsque la dame est suffisamment loin des regards indiscrets, elle se risque à descendre de la cabine par quelques marches et à entrer dans la mer où elle gesticule quelques minutes. Une fois cet exercice accompli, elle regagne sa cabine, y boit un dé à coudre de frontignan ou de marsala pour la « réaction » et se rhabille de pied en cap avant de reparaître sur la plage, où il lui est conseillé de se remuer et de sauter pour activer la circulation du sang. Des guides pratiques expliquent aux usagers comment prendre des « bains de lame » au milieu des vagues : on doit présenter en premier lieu l’épaule et le flanc et non pas y entrer de front. Beaucoup de plages proposent un chemin de cordage auquel baigneurs et baigneuses qui ne savent pas nager – ils sont nettement majoritaires – peuvent se cramponner en entrant dans l’eau. Le commerce s’installe avec la location de sièges, de parasols, de tentes et de pliants. Parallèlement, on lance des modes nouvelles : bains de varech en Bretagne, bains de sable sur les plages méditerranéennes, à prendre une heure avant les repas.
Seul, le bain de soleil reste inconnu. Et pourtant, bientôt, les maillots vont évoluer. Dès la fin du siècle, les gens du peuple, résidant aux environs des plages, viennent se baigner en petite tenue. Un village de la Somme doit même prendre des mesures pour empêcher certains hommes de se baigner irrespectueusement nus, à moins de trois cents mètres du clocher de l’église qui donne elle-même sur la plage. Les villes balnéaires chics délimitent des zones « pour femmes seules », d’autres « pour baigneurs revêtus d’un costume ou maillot » ou pour ceux « portant un simple caleçon ». Mais encore le maillot doit-il toujours rester suffisamment ample pour cacher les lignes du corps. Puis, tout se précipite, d’abord avec les maillots collants, puis, surtout, avec la découverte de la plage et du soleil. Alors que les jeunes femmes s’évertuent à conserver des teints pâles et des peaux blanches et satinées, les Américains, débarqués à Juan-les-Pins dans les années 20 à la suite de Scott Fitzgerald, s’enivrent de soleil. L’affolant Rudolph Valentino vient exposer langoureusement son mâle torse aux rayons du soleil. Les Antibois lui trouvent, paraît-il, les épaules bien étroites et la charpente bien maigrelette. Peu importe, la mode du bronzage est lancée. Les maillots de bain rétrécissent de saison en saison jusqu’à la mode du bikini et des paréos pour laisser place à ce scandaleux monokini qu’une joueuse de ping-pong osa arborer sur la Croisette le 7 juillet 1964. La cour d’appel d’Aix-en-Provence ne retint aucune charge contre elle, précisant « que la nudité du corps humain n’a rien en soi qui puisse outrager une pudeur normale, même délicate, et qu’un tel spectacle est fréquent à notre époque pour des raisons de sport, d’hygiène ou d’esthétique ». Les belles années du gendarme de Saint-Tropez, chasseur de naturistes, sont désormais comptées.
BATAILLE DE FÊTES : MARIANNE,
BONA VENTURE ET LES AUTRES
On raconte que saint Bonaventure avait si bonne tête que le bon saint François d’Assise, lorsqu’il le vit enfant, s’écria : « O ! buona ventura ! » Il n’en fallut pas plus pour décider de son nom et aussi pour décider
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