Comment vivaient nos ancêtres
bas, ayant aussi des manches faictes en rond. Ceste robe estoit faicte à l’aiguille, de la main de la bienheureuse Vierge Marie, et à mesure que Jésus-Christ croissait, sa robe croissait aussi, et ne s’usoit point. Un an avant sa Passion, il avoit accoutumé de porter une autre petite robe sous ceste-ci (18) »
LA « FÉE VERTE » ET LE « PETIT NOIR »
Pendant la messe dominicale, le principal rival du curé est le cafetier. Installé le plus souvent sur la place même de l’église, il attire la population désœuvrée du dimanche – alors qu’en ville ouvrière, on a dit que le jour chômé a longtemps été le lundi. Certains fidèles oublient de se rendre à la sainte messe pour aller se livrer à leurs éthyliques penchants, au grand dam des curés. L’abbé Laurent, curé de La Celle-sur-Loire, s’en plaint jusque dans les cahiers de doléances de 1789. D’autres mettent à l’amende non seulement les buveurs, mais l’aubergiste qui les sert, tout comme ceux qui servent du vin chez eux durant la célébration de l’office.
N’ont-ils pas raison, ces bons curés d’antan qui savent si bien que l’homme risque de dilapider au cabaret l’argent si dur à gagner, qui savent aussi comme les retours de foire et de fête sont souvent violents et… dangereux ? À l’époque, le slogan « un verre ça va, deux verres, bonjour les dégâts ! » est déjà d’actualité. À Paris, Sébastien Mercier frémit de voir les ivrognes tituber dans les rues à la fin du XVIII e siècle. « Les maîtres des voitures roulantes, dit-il, devraient, surtout les dimanches et fêtes, ne point user de leurs équipages, ou recommander à leurs cochers une plus grande circonspection, car il est de fait que ces jours-là sont les plus fertiles en accidents. » Mais que faire ? Avec trois cent trente-deux mille cabarets, bientôt appelés « cafés », recensés dans la France de 1850 – dix fois plus que d’églises ! – on ne peut valablement lutter contre la boisson.
La bière est vite remplacée par le vin, vin de pays, puis vin des régions viticoles. L’eau-de-vie, les liqueurs se répandent aussi. La première est lancée par les Hollandais au XVI e siècle et popularisée par les matelots dont c’est la boisson favorite. Ailleurs, on boit du cidre, du calvados, du genièvre. Le champagne est évidemment complètement inconnu des Français moyens d’autrefois et un siècle et demi après que dom Pérignon eut remué ses bouteilles de vin blanc pour les « champagniser », c’est une autre boisson qui va détrôner toutes les autres.
Pendant plus d’un siècle, l’absinthe, qu’on appelle la « fée verte », est la reine incontestée des cafés de France. Connue depuis le Moyen Âge comme une variété d’armoise à la couleur gris verdâtre, elle est tout d’abord réputée pour ses vertus médicinales. Au dire des anciens, elle soulage des angines, des rages de dents, du mal de mer et chasse aussi les poux et les puces. Se basant sur ces principes, un Franc-Comtois exilé en Suisse, tout à la fois médecin et pharmacien de son état – les deux professions sont couramment associées – compose à la fin du XVII e siècle un « élixir d’absinthe ». À sa mort, on raconte que sa gouvernante, au nom savoureux d’Ordinaire, vend la recette aux demoiselles Henriot, qui la vendent à leur tour à des colporteurs. Finalement, celle-ci tombe entre les mains du major Dubied qui, avec son gendre, un certain Henri-Louis Pernod, fonde la première fabrique d’absinthe à Couvet, en Suisse.
Très vite, la France en devient une grande consommatrice. La distillerie émigre alors à Pontarlier pour éviter les droits de douane exorbitants et de ce jour la « fée verte » ne sera plus arrêtée dans son ascension. Vers 1850, le président de la ligue antialcoolique de l’époque se lamente : « La France boit plus d’absinthe à elle seule que le monde entier ! » Sa consommation atteindra 7 000 hectolitres par an en 1874, et 360 000 en 1910 ! « Tout le monde boit de l’absinthe, écrit un observateur de l’époque, depuis la portière [la concierge] qui boit de l’absinthe parce que son médecin la lui recommande pour son pauvre estomac, jusqu’aux bourgeois les plus brillants du Boulevard. » La mode pénètre jusque dans les campagnes, car il s’agit bien d’une mode. Les étiquettes s’inspirent de l’actualité de l’époque ; en 1893,
Weitere Kostenlose Bücher