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Complots et cabales

Complots et cabales

Titel: Complots et cabales Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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tendirent l'oreille dans l'attente de ce que le cardinal allait dire à la reine-mère, et de ce que la reine-mère allait répondre au ministre qui avait si bien servi son fils en ses campagnes guerrières.
    - Madame, dit Richelieu, ma joie est grande de revoir Votre Majesté après tant de victoires qui sont dues aux armées du roi et qui vous apportent, Madame, à Votre Majesté et à votre fils, une gloire qui retentira dans les
    ‚ges futurs.
    Comme dans toutes les circonstances de la vie, que ce f˚t au Grand Conseil du roi ou dans les entretiens au bec à bec, Richelieu trouvait infailliblement les mots qui convenaient et aux circonstances et à son interlocuteur, personne ne s'étonna de ce compliment si habile et si bien tourné. Ce qui
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    étonna, ou pour mieux dire frappa de stupeur les assistants, ce fut l'attitude de la reine-mère. Car, à ce grand ministre, àce fidèle serviteur du roi à qui le royaume devait tant, elle ne répondit ni mot ni miette, mais le torse redressé, les lèvres serrées, le menton saillant, et le regard glacial, elle le toisa de haut avec le dernier mépris. Si cette attitude n'avait pas été si blessante, j'y aurais trouvé un élément de comédie. Car, de toute évidence, ce silence outrageant et cette attitude dédaigneuse à l'égard de l'artisan de nos victoires, avaient été conçus et composés à l'avance, se peut même répétés devant un miroir. Mais la reinemère, hélas, était mauvaise comédienne : le moment venu, elle en faisait trop.
    Si blessé qu'il f˚t en son for par un accueil auquel il ne s'attendait guère, le cardinal, fort p‚le mais maître de lui, attendait respectueusement que la reine-mère lui donn‚t son congé, ce qui dut la gêner beaucoup, car s'étant résolu à ce silence glacial et méprisant, elle ne savait plus comment faire pour le rompre, tant est que plus il se prolongeait et plus il paraissait artificiel, et contraire à toutes les règles du protocole.
    ¿ la parfin, le cardinal mit fin lui-même à ce tête-à-tête o˘ les têtes n'avaient assurément pas le même poids : il salua la reine-mère en y mettant tout le respect qui lui était d˚, recula de trois pas, fit de nouveau un profond salut et se retira. Tous ces mouvements furent exécutés selon les règles protocolaires, et même avec toute la gr‚ce qu'à la Cour on attend d'un gentilhomme.

    ¿ peine Richelieu eut-il franchi l'huis de la grand-salle que l'assistance se mit à bruire de mille remarques faites de bouche à oreille sotto voce et, à ce qui me sembla, défavorables, pour la plus grande part, à la reinemère, ceux-là mêmes qui n'aimaient pas le cardinal trouvant qu'elle avait été bien trop loin dans l'aigreur et le mépris, la part que Richelieu avait prise à nos victoires étant indubitable.
    Tout le temps que ce bruissement dura, j'envisageai la reine-mère avec la plus grande attention, et il me sembla qu'elle était fort satisfaite d'avoir rompu si rudement avec
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    Richelieu, croyant peut-être, en son peu de cervelle, qu'étant donné son rang, elle ne pouvait que gagner la guerre qu'elle venait de déclarer à ce
    "
    faquin de cardinal
    >, comme elle aimait l'appeler. quant à savoir qui de Marillac ou du cardinal de Bérulle lui avait conseillé cette attaque, je pencherais plutôt pour Bérulle, car lui aussi était naÔf, et il n'avait assurément pas saisi combien il était inopportun d'attaquer Richelieu, alors qu'il était tout resplendissant des services qu'il venait de rendre à son roi.
    Si Richelieu avait besoin d'un baume pour adoucir sa blessure, il ne fallut pas longtemps pour qu'il le reç˚t, car le roi, revenant de la chasse, l'accueillit, selon les mots mêmes du cardinal, " avec des tendresses et des affections qui ne peuvent se dire
    >, et Richelieu ayant quis de lui la permission de lui parler au bec à bec, le roi acquiesça, et comme il s'enfermait avec lui dans un cabinet pour un entretien, Richelieu obtint de m'inclure comme témoin de ce qui s'était passé, ne voulant pas que le roi p˚t croire qu'il exagér‚t le moindrement l'importance des mépris de la reine-mère à son endroit. La scène s'était déroulée en effet sans paroles, et rien n'est plus difficile à décrire qu'une mimique.
    En fait, Richelieu en fit au roi un récit sobre, et comme il achevait et se tournait vers moi, afin que je confirmasse ses dires, Louis l'interrompit
    - Monsieur d'Orbieu, dit-il, votre témoignage n'est pas utile.

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