Complots et cabales
ascétique, vouée à la charité.
Moins édifiant, mais en revanche plus artiste, Francesco, que je vous présente céans, consacra ses pécunes, son temps et ses pensées à élever ce qui devint le fameux Palais Barberini, lequel est, assurément, le plus magnifique, en notre siècle, des palais romains. Toutefois, le pape lui confia aussi quelques missions diplomatiques dont, par nonchalance, il se serait bien mal acquitté, s'il n'avait pas requis les services de Giulio Mazarini. En la présente circonstance, Son …minence Francesco Barberini, après un profond et gauche salut à Sa Majesté, se contenta de réciter, en français, un petit compliment fort bien tourné, mais dont il n'était assurément pas l'auteur, car il trébucha deux ou trois fois dans ses phrases, les rendant quasi inintelligibles. Venant enfin à bout de cette ingrate besogne, Francesco voulut bien dire à Sa Majesté que son secrétaire, Il Signor Mazarini, allait entrer dans le détail de sa mission.
Puis, ayant salué profondément le roi, il ne pipa plus mot de tout l'entretien, et les yeux à demi clos se retira en ses pensées, lesquelles, à ce que j'imagine, touchaient à la construction de son émerveillable palais.
Giulio Mazarini avait alors vingt-huit ans, et d'après ce que j'ai ouÔ dire à Rome, à Paris et à Madrid, il était K il pi˘ elegante cavaliere della creazione 1 " et un grand favori des dames, lesquelles ne restaient jamais insensibles à ses manières courtoises, à ses attentions délicates, à sa vêture o˘ dentelles, soies, broderies et rubans étaient du meilleur go˚t, et par-dessus tout, il va sans dire, à ses yeux vifs et veloutés, à ses lèvres si bien dessinées et aux paroles dorées qui s'en échappaient.
1. Le cavalier le plus élégant du monde (ital.).
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Cependant, Mazarini plaisait aussi aux hommes mais pour d'autres qualités.
Bien que n'ayant passé que quelques mois aux armées pour la raison que discipline et routine ne le rago˚taient guère, il était néanmoins renommé
pour sa bravoure qui était, en effet, sans faille et dont je donnerai plus loin un éclatant exemple.
¿ cette bravoure-là s'ajoutait, sinon la plus belle vertu, du moins la plus utile en ce monde : Mazarini avait de l'esprit àrevendre, lequel allait droit au coeur de tout problème et en trouvait la solution. Richelieu l'admirait, et c'est tout dire, car le cardinal, hors lui-même, admirait peu de gens. Ajoutez à cela, en ce qui concerne Mazarini, un caractère qui se pliait avec gr‚ce aux circonstances sans se raidir jamais, mais sans non plus perdre de vue son but. Bien je me ramentois qu'ayant un jour demandé à
Fogacer comment il définirait au besoin l'humeur de Mazarini, il répondit:
< souplesse, finesse, adresse ".
Le salut que fit Giulio Mazarini au roi, avant que de parler, fut infiniment gracieux et plut à Sa Majesté, et d'autant plus que sans être bougre, Elle aimait les beaux hommes, pourvu qu'ils ne fussent ni rudes, ni grossiers.
- Sire, dit Mazarini en un français dont toutes les intonations étaient chantantes et italiennes, je suis votre très humble serviteur, et je quiers de Votre Majesté de bien vouloir ouÔr le message que Sa Sainteté le pape a confié àSon …minence Francesco Barberini, son légat, dont je ne suis ici que le modeste truchement.
- je vous ois, Monsieur, dit le roi.
- Sire, reprit Mazarini, Sa Sainteté, soucieuse que le sang des Français et des Espagnols ne se répande pas sur le sol italien, a demandé à l'Espagnol à quelles conditions il consentirait à ne pas assiéger Mantoue.
- Et qu'a-t-il répondu ? dit le roi.
- Sire, dit Mazarini, j'ose à peine vous répéter ses conditions, tant elles me paraissent extravagantes et léonines.
- Répétez-les, Monsieur, de gr‚ce ! dit le roi. Nous sommes prêts à tout ouÔr.
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- Sire, l'Espagnol consentirait à ne pas assiéger Mantoue pour peu que Votre Majesté rende Pignerol et Casal...
Un silence suivit cette impudente proposition. je vis Louis p‚lir et serrer les dents, tant est que je craignis qu'il laiss‚t éclater une ire bien légitime. Mais une fois de plus il se brida, et se tournant vers Richelieu qui bouillait lui aussi de fureur contenue, mais qui ne perdait pas pour autant le jugement incisif qu'il portait sur les événements, il lui fit signe de répondre à sa place.
- Sire, dit Richelieu, c'est un bien étrange échange qu'on nous propose là
- un échange o˘ les
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