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Confessions d'un enfant de La Chapelle

Confessions d'un enfant de La Chapelle

Titel: Confessions d'un enfant de La Chapelle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert Simonin
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tous les harengs et peu inspiré pour les explications à la baïonnette, M. Louis est parvenu à se faire affecter au Train des équipages ! Il conduit maintenant une camionnette de ravitaillement, se tenant aussi éloigné que possible de la ligne de feu où se récoltent médailles et citations, témoignages de vaillance que le marie n’ambitionne nullement.
    Mon oncle Pierre a rejoint une unité sanitaire, grâce à un début d’études en pharmacie tentées dans sa jeunesse. L’oncle Achille lui, réformé de toujours, en dépit d’une santé florissante, prospère à Saint-Étienne dans la récupération des machines-outils réclamées de toutes parts par les industriels travaillant pour l’armement. Il s’est adjoint un associé roumain, spécialiste du trafic de l’acier, étonnamment doué pour découvrir des stocks de ce métal ayant échappé à la réquisition. Ce joyeux tandem se régale et mène la vie à grandes guides des profiteurs. L’oncle Achille a loué à l’année une chambre à l’hôtel Moderne, sous le prétexte d’être plus proche des ministères ; mon père, qui a été son familier, soutient qu’il doit plutôt avoir cédé à un goût tenace pour les petits théâtres, leurs actrices et, complémentairement, les soupers fins. Pas grisé par sa réussite, Achille, pétulant et réjoui, nous rend épisodiquement visite. Toujours impromptu, il apparaît un gigot sous le bras, ayant commandé les meilleures bouteilles aux Caves du Languedoc, et de savoureuses charcuteries chez Potin. C’est la java, et l’oncle ne manque jamais durant le dîner d’informer mes parents des potins de la vie parisienne. Bien que les gens mis en cause me soient totalement étrangers et que leur comportement, qui amuse mon père, n’ait pour moi aucun sens, j’en pressens obscurément l’existence d’un autre monde où il doit faire bon vivre.
    Hélas ! pour moi la fête se termine, comme les autres jours, à dix heures, moment de gagner mon lit. Je peine ces jours-là à m’endormir. Au travers de la porte, j’entends la voix d’Achille poursuivre ses récits, les rires de mes parents. Nul doute que l’oncle, hors de ma présence, force maintenant sur les anecdotes salées et pas pour les oreilles enfantines. Ma hâte de vieillir s’en accroît.
    À quelques jours d’une apparition de l’oncle Achille, je surpris une courte discussion entre mes parents à son propos : « Je ne veux rien lui devoir », protestait mon père ; « Nous serions bien bêtes de nous gêner avec lui, insistait maman, pour ce que ça lui coûterait ! ». Il ne s’agissait pas d’un emprunt d’argent, ainsi que notre situation précaire m’avait donné à l’imaginer. Simplement, Achille avait proposé de faire affecter mon frère Louis dans une usine d’armement. Tutoyant Maginot, avec qui il prétendait souper fréquemment, cette mutation ne devait pas réclamer plus d’un mois. Achille s’en déclarait assuré. Mon père ne croyait que fort modérément aux hautes relations de son beau-frère. Faire la noce en compagnie de gourgandines, papa l’en jugeait fort capable, se trouver en familiarité avec un ministre lui apparaissait plus incertain ; aussi conseillait-il à ma mère de ne pas nourrir trop d’illusions sur l’entregent d’Achille. Voulant croire à tout prix, maman avait fourni à l’oncle l’état civil complet de notre aîné et le numéro du secteur postal de son unité. Il ne nous restait plus qu’à espérer et attendre.
    J’avais retrouvé l’école communale de la rue Torcy singulièrement chanstiquée. Plusieurs classes étaient tenues par des maîtresses. M. Dornard, le maître de septième, était tombé au champ d’honneur. M. Dubuc, le maître de première, venait de rentrer, réformé, une main vilainement atrophiée. M. Houdin, le dirlo, que des générations de galopins avaient baptisé « la Fouine », restait, lui, fidèle au poste, atteint par la limite d’âge. Il était le mieux aimé des enseignants de la communale Torcy pour une foule de raisons, dont la principale découlait de sa liaison au grand jour avec une belle blanchisseuse exerçant dans une boutique, à quelque cent mètres de l’école même. Que « La Fouine » fut le maître d’une aussi admirable créature lui ouvrait auprès de nous un crédit illimité d’admiration, et nombreux se comptaient les mouflets faisant un détour pour entrevoir la robuste blanchecaille en

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