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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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Je me lève tôt et travaille tard. Je ne tolérerai ni pots-de vin
ni corruption ni rumeurs sous aucune forme. Souvenez-vous-en et nous nous
entendrons très bien. Et maintenant : au travail !
    Après cette petite allocution qui me laissa rougissant, les
licteurs reçurent leurs nouvelles verges ainsi qu’une bourse chacun, puis la
chaise curule de Cicéron fut enfin descendue du toit et présentée à la foule.
Elle seule suscita des cris d’admiration et une salve d’applaudissements, ce
qui était mérité car elle était sculptée en ivoire de Numidie et avait coûté
plus de cent mille sesterces (« La Macédoine paiera ! »). Tout
le monde but encore un peu de vin – le petit Marcus lui-même en prit
dans un gobelet d’ivoire –, les joueurs de flûte se mirent à jouer et nous
sortîmes dans la rue pour commencer la longue traversée de la ville.
    Il faisait toujours un froid de loup, mais le soleil se
levait et projetait sur les toits des rayons dorés, qui, avec la neige,
conféraient à Rome un éclat céleste. Les licteurs ouvraient le défilé :
quatre d’entre eux portaient la chaise curule sur une litière découverte.
Cicéron marchait auprès de Terentia. Tullia venait derrière lui, accompagnée de
son fiancé, Frugi. Quintus portait Marcus sur ses épaules et, encadrant la
famille consulaire, il y avait les chevaliers et les sénateurs vêtus de blanc
éclatant. Les flûtes sifflaient, les tambours battaient, les danseurs
bondissaient. Les citoyens bordaient les rues et se massaient aux fenêtres pour
mieux voir. Il y avait beaucoup d’acclamations et d’applaudissements, mais
aussi – pour être honnête – quelques huées, surtout de la
part des plus pauvres de Subura, tandis que nous défilions le long de l’Argiletum
en direction du forum. Cicéron saluait de la tête, à droite et à gauche, et
levait de temps à autre la main droite, mais il conservait une expression très
grave, et je savais qu’il se concentrait sur ce qui l’attendait. Dans les
instants qui précédaient les grands discours, une partie de lui demeurait
toujours inaccessible. Je vis à certains moments Quintus et Atticus tenter de
lui parler, mais il secoua la tête, préférant rester plongé dans ses
réflexions. Lorsque nous atteignîmes le forum, il était bondé. Nous passâmes
devant les rostres et le sénat vide pour enfin gravir le Capitole. La fumée des
autels tournoyait au-dessus des temples. Je sentais le parfum du safran qui
brûlait et percevais les meuglements des taureaux qui attendaient le sacrifice.
Je me retournai au moment où nous approchions de l’Arche de Scipion et
découvris Rome comme je l’avais rarement vue, voilée de blanc et étincelante
dans sa robe neigeuse – ses collines et ses vallées, ses tours et ses
temples, ses portiques et ses demeures guettant leur promis telle une future
mariée.
    Nous pénétrâmes dans l’enceinte capitoline et trouvâmes l’ensemble
du sénat qui nous attendait, en rangs devant le temple de Jupiter. On nous
conduisit, la famille de Cicéron, le reste de la maisonnée et moi-même, à la
tribune de bois qui avait été dressée pour les spectateurs. Un coup de
trompette résonna contre les murs, et les sénateurs se retournèrent comme un
seul homme pour regarder Cicéron passer parmi eux – tous ces visages
rusés, rougis par le froid, ces yeux avides qui scrutaient le consul désigné :
des hommes qui n’avaient jamais gagné le consulat et savaient qu’ils ne l’obtiendraient
jamais, des hommes qui le désiraient encore et craignaient de ne pas y arriver,
et ceux qui l’avaient déjà obtenu un jour et croyaient encore qu’il leur
appartenait de droit. Hybrida, le second consul, avait déjà pris place au pied
des marches du temple. Couronnant la scène, le grand toit de bronze semblait en
fusion sous le soleil d’hiver lumineux. Sans se regarder, les deux consuls
désignés montèrent lentement jusqu’à l’autel où le grand pontife, Metellus Pius,
patientait, allongé sur une litière, trop malade pour se lever. Il y avait
autour de Pius les six vierges vestales et les quatorze autres pontifes de la
religion d’État. Je repérai sans peine Catulus, qui avait fait reconstruire le
temple pour le compte du sénat et dont le nom figurait au-dessus de la porte (à
la suite de quoi certains farceurs le surnommèrent « plus grand que Jupiter »).
Isauricus se tenait à côté de lui. Je reconnus également

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