Conspirata
s’endormit.
Je dus moi aussi sombrer dans le sommeil. La seule chose
dont je me souvienne ensuite est une main posée sur mon épaule et une voix me
soufflant à l’oreille qu’il y avait du monde sur le pont. Scrutant l’obscurité,
j’entendis des bruits de sabots avant de discerner la silhouette des cavaliers – cinq,
dix hommes, peut-être plus, qui traversaient sans se presser.
— Ça y est ! chuchota Flaccus en sautant sur son
casque.
Puis, avec une rapidité surprenante pour quelqu’un de sa corpulence,
il dévala l’escalier quatre à quatre et se précipita sur la route. Je courus
derrière lui et entendis des sifflets et le son d’une trompette, tandis que des
légionnaires accouraient de toutes les directions, l’épée au poing, certains
munis de torches, et se précipitaient sur le pont. Les chevaux qui arrivaient
se cabrèrent et s’arrêtèrent. Un homme cria qu’il leur fallait passer en force.
Il éperonna sa monture et chargea nos lignes, fonçant exactement vers l’endroit
où je me trouvais tout en donnant des coups d’épée de droite et de gauche. À côté
de moi, quelqu’un s’élança pour saisir les rênes, et je fus effaré de voir la
main tendue se faire trancher tout net et atterrir presque à mes pieds. Son
propriétaire hurla, et le cavalier, se rendant compte que les assaillants
étaient trop nombreux pour qu’il puisse se frayer un passage, fit demi-tour
pour repartir par où il était venu. Il cria aux autres de le suivre, et toute
la troupe chercha à battre en retraite vers Rome. Cependant les soldats de
Pomptinus prenaient le pont d’assaut par l’autre côté. Nous distinguions leurs
torches et entendions leurs cris excités. Nous nous lançâmes comme un seul
homme à la poursuite des fuyards – même moi, ma peur totalement
oubliée dans mon désir de récupérer les lettres avant qu’elles n’échouent au
fond du Tibre.
Le temps que nous parvenions au milieu du pont, les combats
étaient presque terminés. Les Gaulois, reconnaissables à leur tenue de sauvages
et à leurs barbes et cheveux longs, laissaient tomber leurs armes et mettaient
pied à terre ; ils devaient s’attendre à une attaque de ce genre. Bientôt,
seul l’impétueux cavalier qui avait tenté de passer en force se trouvait encore
en selle et pressait ses compagnons de se battre. Mais nous comprîmes que c’étaient
tous des esclaves, peu enclins au combat : ils savaient que le simple fait
de lever la main contre un citoyen romain leur vaudrait la crucifixion. Ils se
rendirent un par un, et leur chef finit lui aussi par jeter à terre son épée sanglante.
Puis je le vis se pencher pour commencer à défaire précipitamment la courroie
de ses sacoches et j’eus la rare présence d’esprit de me précipiter pour m’emparer
du précieux chargement. Il était jeune et très puissant, et il aurait
certainement réussi à jeter son sac à l’eau si des mains secourables n’étaient
pas venues m’aider à le tirer à bas de son cheval. Ces hommes étaient sans
doute les amis du soldat dont il avait tranché la main car ils le rouèrent de
coups de pied avant que Flaccus n’intervienne mollement pour les prier d’arrêter.
On le releva en le tirant par les cheveux, et Pomptinus l’identifia comme étant
Titus Volturcius, chevalier de la ville de Croton. J’avais entre-temps pris
possession de sa sacoche et appelai un soldat muni d’une torche afin de pouvoir
la fouiller convenablement. Elle contenait six lettres, toutes cachetées.
J’envoyai aussitôt un messager à Cicéron pour lui dire que
notre mission était couronnée de succès. Puis, une fois que tous les
prisonniers furent attachés, mains derrière le dos, et les uns derrière les
autres par une corde au cou – tous sauf les Gaulois, qui furent
traités avec le respect dû aux ambassadeurs –, nous revînmes vers Rome.
Nous entrâmes dans la cité juste avant l’aube. Quelques
passants matinaux s’arrêtaient et regardaient défiler, bouche bée, notre
sinistre procession alors que nous traversions le forum pour remonter la
colline vers la maison de Cicéron. Nous laissâmes les prisonniers dehors, dans
la rue, sous bonne garde. Le consul nous reçut à l’intérieur, encadré par
Quintus et Atticus. Il écouta le récit des préteurs, les remercia
chaleureusement puis demanda à voir Volturcius. L’homme fut traîné vers nous,
visiblement meurtri et effrayé, et se lança immédiatement
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