Constantin le Grand
dit. Tu dois prier ton Dieu pour moi.
J’ai fermé les yeux pour ne pas voir des gladiateurs s’entre-tuer, des officiers contraints par Galère d’affronter des ours ou des lions.
Puis, tout à coup, j’ai entendu la voix de l’empereur interpeller Constantin, le mettre au défi de descendre dans l’arène et de faire face à un lion d’Afrique que personne encore n’avait pu tuer.
— Voyons si tu le peux, si les dieux te sont favorables. À moins que tu n’aies peur ?
Constantin s’est levé et j’ai prié avec ferveur tandis que la foule hurlait en voyant Constantin entrer dans l’arène, tenant glaive et javelot.
On a martelé son surnom, « Trachala » (gros cou), puis on a soulevé les grilles et la bête féroce à la crinière dorée a surgi en rugissant, tournant la tête, découvrant cet homme dont le fer des armes réfléchissait le soleil.
J’ai lancé un coup d’œil à Galère auprès de qui se tenait son césar, Maximin Daia. Sur le visage des deux hommes se peignait le désir de mort.
Ils voulaient que Constantin soit démembré, dépecé, dévoré.
J’ai supplié comme si j’avais eu devant moi le Dieu vivant debout dans un grand éclat de lumière.
Il y a eu un cri unique de la plèbe, puis des hurlements scandés : « Trachala, Trachala ! »
Constantin avait égorgé le lion.
Galère et Maximin Daia, le visage creusé par la colère et la déception, applaudissaient.
Mais, la mort évitée, la haine demeurait, alimentant la cruauté et avivant encore la persécution.
Je recevais des messagers qui avaient réussi à quitter les communautés chrétiennes harcelées, suppliciées dans les provinces d’Afrique, d’Égypte, de Palestine, de Syrie, de Cappadoce, d’Illyrie, de Dacie, de Pannonie. Partout, du Nil au Jourdain, du Tigre au Danube, de l’Euphrate au Tibre, légats et gouverneurs exécutaient avec furie les ordres de Galère et de Maximin Daia.
L’empereur Galère était fruste et cruel. Il voulait qu’on appliquât à la lettre les édits de Dioclétien. Pour lui, les chrétiens n’étaient que des ennemis de l’Empire qu’il fallait contraindre à l’obéissance en les torturant, en les livrant aux bêtes ou bien en les réduisant à l’esclavage. Des milliers de mes frères chrétiens furent condamnés au travail dans les mines, ce lent supplice qui aveuglait, étouffait, déformait, brisait les membres.
Mais le césar Maximin Daia ajoutait à cette brutalité la haine personnelle d’un homme qui méprisait la foi chrétienne et avait la ferme volonté d’en finir avec cette religion, non seulement en exigeant que les chrétiens sacrifient à l’Empire, mais en annihilant leur foi et en insufflant aux dieux païens des forces nouvelles.
J’ai vu passer dans les galeries du palais impérial des rhéteurs grecs ou égyptiens dont Constantin me citait les noms – Urbanus, Hiéroclès, Firmilien, Théoctène –, me rappelant qu’ils étaient chargés par le césar Maximin Daia de rassembler les arguments prouvant que Christos n’était qu’un magicien égyptien, un faux devin autour duquel on avait bâti une légende qui permettait à des débauchés, à des corrompus, à des voleurs de dépouiller et d’asservir à leurs désirs les âmes faibles.
Il s’agissait aussi, pour Maximin Daia, de désigner dans chaque ville un prêtre et un grand prêtre qui dirigeraient les cultes des dieux, et d’abord celui de Jupiter Très-Grand et Très-Haut.
Lui aussi voulait, pour combattre Christos, faire naître un dieu unique, Jupiter, tout comme l’empereur Aurélien avait imposé le culte du Sol invictus .
Maximin Daia exigeait que tous les habitants de toutes les villes, de toutes les provinces relevant de l’empereur Galère et de lui-même sacrifient aux dieux de Rome. Les citoyens – et leurs esclaves – qui s’y refusaient étaient arrêtés, suppliciés, mutilés, livrés aux bêtes, rôtis sur le gril, crucifiés.
Jamais, m’écrivaient des chrétiens d’Antioche, la persécution n’avait été aussi féroce ni aussi méthodique. « Nous et nos églises, disaient-ils, ne devons plus être qu’un tapis de cendres. »
— Peux-tu accepter cela ? ai-je à nouveau demandé à Constantin.
Lui, qui écoutait les oracles des dieux païens, qui sacrifiait à Jupiter et à Sol invictus , était menacé tout comme nous. Lui et nous, de manière différente, représentions une menace pour l’empereur Galère et pour
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