Constantin le Grand
Galère y disait qu’il ne pouvait reconnaître à Constantin le titre d’empereur. Que celui-ci revenait au césar Sévère qui avait assisté Constance Chlore et qui, d’ailleurs, avait déjà été sacré et reconnu empereur des provinces d’Occident dans sa capitale de Milan. Mais Galère, parce qu’il avait pour unique souci la paix dans l’Empire, désignait Constantin césar de l’empereur Sévère.
Ainsi, comme l’avait voulu Dioclétien le sage, quatre hommes continueraient de régner sur l’Empire. Lui-même, Galère, serait le premier des empereurs, gouvernant l’Orient, assisté du césar Maximin Daia, et Sévère serait en Occident le second auguste, avec Constantin pour césar.
Fallait-il que Constantin acceptât cette proposition ? Qu’il prît ainsi place parmi les persécuteurs ?
J’ai prié pour que Dieu apporte réponse à ces questions.
Mais je n’ai entendu que Son silence.
Les hommes doivent choisir seuls, errer dans le labyrinthe, et à chacun de leurs pas ils s’éloignent ou se rapprochent de l’issue selon qu’ils s’écartent de Dieu ou avancent vers Lui.
C’est la foi et la confiance en Christos qui sont leurs seuls guides.
— J’ai accepté ce que m’a proposé l’empereur Galère, m’a dit Constantin.
Son regard a glissé sur moi sans s’attarder. Je n’étais plus son unique compagnon, comme je l’avais été au palais impérial de Nicomédie, mais l’un quelconque de ses proches, et j’ai pensé que Dieu m’infligeait ainsi une leçon d’humilité.
J’avais cru Constantin éclairé par notre foi, je le découvrais écoutant, le visage rosi par le plaisir et l’orgueil, Hésios lui déclarer que, quel que fut le titre que Galère lui attribuait, il était Apollon, incarnation de Sol invictus , Constantin le Grand, et que les dieux de Rome l’avaient déjà distingué parmi tous les hommes qui aspiraient à gouverner l’empire du genre humain.
Je mesurais que, pour Constantin, ce qui importait, ce n’était point de prier et d’aimer le Dieu unique, le Tout-Puissant, notre Christos, mais de rassembler en une gerbe moissonnée pour lui toutes les divinités, toutes les religions, toutes les croyances.
Cependant, je ne m’éloignais plus mais restais parmi ses proches. Je marchais avec eux dans les rues de Trêves. J’écoutais Constantin donner des ordres d’une voix impérieuse et impériale – et qu’importait en effet qu’il ne fut que le césar de Galère – pour que sa capitale devînt une autre Rome.
Il voulait qu’on agrandisse l’amphithéâtre, qu’on construise des thermes plus vastes que ceux que l’empereur Caracalla avait fait aménager à Rome.
Il fallait aussi bâtir une curie pour les représentants et les légats, les tribuns, les magistrats des provinces qu’il gouvernait.
Il désirait que des temples fussent consacrés à toutes les divinités, et une basilique à Jupiter et à Sol invictus .
Hésios le félicitait : « Constantin le Grand, tu es le digne fils de Constance ! »
Mais où était l’Église chrétienne ? Et qu’était devenu le Constantin que j’avais cru en marche vers Christos ?
J’ai craint qu’il ne cherchât plus l’issue du labyrinthe tant je le découvrais heureux de s’y perdre.
Il avait changé. Plus distant, il regardait au loin son destin plutôt que de scruter les visages.
Il présidait les jeux, les parades avec une majesté hautaine, bras croisés, les yeux fixes, dédaigneux, ne s’animant qu’au moment où les soldats levaient leurs enseignes et leurs glaives pour acclamer celui qu’ils appelaient « Constantin le Grand » ou en qui ils célébraient le « Vainqueur perpétuel ».
Car il avait tenu à ceindre son front d’une couronne de césar victorieux.
Dès qu’il avait appris que les tribus franques avaient harcelé les garnisons des bords du Rhin, traversant le fleuve, guidées par des chefs cruels, Ascaric et Mérogaste, il avait quitté Trêves pour prendre la tête des légions.
Je l’avais suivi et j’avais vu comment un homme, lorsqu’il commande à des milliers d’autres d’affronter et de donner la mort, oublie qu’il n’est qu’un homme.
Il est devenu l’allié et le serviteur de la Mort.
Constantin chevauchait en avant des troupes, la poitrine enserrée dans une cuirasse d’or, comme s’il avait été sûr que la Mort ne frapperait pas celui qui la servait.
Il avait facilement vaincu, acculant les
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