Constantin le Grand
venues entre la tente de Constantin et Massalia.
Les chrétiens passaient de l’une à l’autre. Les soldats retranchés derrière les murailles voulaient, avant d’abandonner Maximien, être rassurés. Ils connaissaient le sort qu’on réservait aux vaincus : on les forçait à s’agenouiller et on les égorgeait. Les soldats étaient prêts, en gage de soumission à Constantin, à livrer Maximien, mais celui-ci devait avoir la vie sauve.
Je n’ai pas entendu la voix de Constantin.
Il a simplement baissé la tête comme s’il consentait, par ce geste, aux exigences des soldats de Maximien.
À la fin du jour, ils ont ouvert les portes de la ville et ont poussé devant eux ce vieil homme tremblant et pitoyable qui avait été empereur d’Occident et avait voulu retrouver l’ivresse du pouvoir.
Constantin le silencieux l’a regardé s’avancer, puis a lancé quelques ordres pour que l’on conduisît Maximien, son beau-père, au palais impérial, en Arles, où on le placerait sous bonne garde.
On était en février 310. La plèbe gauloise, en liesse, acclamait Constantin le Grand. Les chrétiens avec qui je priais, en ces jours qui s’allongeaient sous un ciel que le crépuscule rosissait, célébraient Constantin le clément, l’empereur qui jamais n’avait persécuté les fidèles de Christos, mais savait, comme un chrétien, pardonner.
C’est le lendemain qu’on a retrouvé Maximien étranglé.
Les mains du vieillard étaient crispées sur les extrémités d’une cordelette qu’il avait tant serrée autour de son cou qu’elle s’était comme incrustée dans la chair bleuie.
On assura que, pris de remords, il avait mis fin à ses jours, en Romain qui va au-devant de la mort quand le sort lui est défavorable.
Constantin présida aux funérailles, impassible.
Et la plèbe répéta ce qu’Hésios avait été le premier à formuler : que les dieux châtiaient ceux qui se dressaient contre l’homme qu’ils avaient choisi pour régner sur l’Empire.
Cyrille le chrétien crut lui aussi que Maximien s’était suicidé ; Christos, ajoutait-il, l’avait laissé se châtier lui-même.
J’avais observé Constantin au moment où l’un de ses tribuns militaires était venu lui annoncer que les gardes avaient découvert le corps inanimé de Maximien.
Le temps d’un regard, j’avais saisi ce mouvement de la bouche qui esquissait un sourire, puis il m’avait remarqué et ses traits s’étaient figés.
Je n’ai donc jamais pu croire au suicide de Maximien.
Et, cependant, j’ai continué à prier pour Constantin que tous les chrétiens d’Espagne, de Bretagne et de Gaule considéraient désormais comme leur protecteur.
Je les ai vus au premier rang de ces foules gauloises qui, dans toutes les villes traversées entre Arles et Trêves, acclamaient Constantin le Grand, l’empereur des Gaules, promis au statut d’empereur du genre humain.
De triomphe en triomphe, Constantin se transformait. Ses gestes devenaient plus lents, son regard plus fixe, semblant toujours scruter un point à l’horizon. Son visage qui déjà n’exprimait que peu les émotions – c’est à peine si ses joues et son front rosissaient – restait le plus souvent figé. Son corps était plus majestueux, exprimant la force et l’obstination. Il ressemblait déjà, avant même d’être à la tête de l’Empire, à une statue d’empereur victorieux.
Peu avant l’arrivée à Trêves, alors que nous abordions, dans une bourrasque de neige, les premières pentes des Vosges, Hésios a chuchoté quelques mots à Constantin.
Celui-ci a hésité puis a donné l’ordre à l’armée de poursuivre sa route vers Trêves, et, avec ses prétoriens, il a gagné la forêt.
Il s’est tourné vers moi qui le suivais. Il m’a longuement regardé et il y avait du défi dans ses yeux.
J’ai cru qu’il allait m’ordonner de rejoindre le gros des troupes, mais il m’a laissé continuer à ses côtés, atteindre le temple de Grannum dédié à Apollon.
Sur un plateau enneigé battu par les vents, encerclé de forêts, j’ai découvert une enceinte fortifiée au centre de laquelle se dressait une austère construction dont la coupole, les colonnes, les murs étaient de pierre rose entrecoupée çà et là de blocs de marbre blanc.
C’était le temple dans lequel les peuples gaulois des Leucques et des Lingons venaient honorer leurs dieux au milieu du jaillissement de sources d’eau chaude, en ce
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