Constantin le Grand
fera l’unité de l’Empire. Il veut être le Maximus Augustus ? Il lui faudra vaincre Licinius. Il ne pourra se passer de nous. Voilà la stratégie de Dieu. Mais il faut, pour qu’elle réussisse, que nous soyons aussi déterminés, aussi heureux dans notre foi, aussi emplis d’espérance que l’ont été les martyrs.
J’ai logé chez Miltiade. Le pape habitait une petite maison sur la via Appia. Il se nourrissait de ce que les fidèles lui apportaient, et j’ai partagé ses repas frugaux : une galette, un brouet noir et tiède, parfois un poisson.
L’eau dans la cruche était fraîche et nos prières s’élevaient, légères, vers Dieu.
Un jour, deux centurions se sont présentés, s’adressant à Miltiade avec respect comme s’il avait été un haut magistrat impérial.
Ils ont montré la litière qui attendait le pape pour le conduire au palais du Latran qui, par ordre et par générosité de l’empereur Constantin le Grand, serait désormais la demeure du pape des chrétiens.
Je connaissais le palais. Il était immense, entouré d’un vaste domaine boisé s’étendant jusqu’aux monts Albains.
Il avait été légué par l’empereur Maximien à sa fille Fausta, devenue l’épouse de Constantin. L’empereur dépouillait donc l’impératrice pour faire un don à un chrétien. Le geste valait proclamation, c’était un acte de reconnaissance envers Christos.
J’ai deviné les hésitations de Miltiade.
Qu’avait-il besoin d’un palais pour prier et être entendu par la communauté des chrétiens ? Austère, pauvre même, sa maison de la via Appia lui suffisait.
J’ai pris ses mains et les ai baisées.
— Par ce signe, par toi, Miltiade, nous sommes reconnus par l’empereur comme dignes d’être accueillis dans un palais impérial. Nous ne sommes plus des ennemis de Rome, voués aux tortures, à l’arène ou bien méprisés, contraints de nous enfoncer dans les catacombes, loin de la lumière, pour prier ! Christos apparaît dans le plein jour de la vie. Ce ne sont pas seulement Jupiter, Apollon ou Sol invictus , ni l’empereur-dieu qu’on honore, mais toi, Miltiade, le souverain pontife, le représentant de l’Église chrétienne. Dès lors qu’on peut la voir pour ce qu’elle est, qu’elle peut se faire entendre, que nos frères et sœurs ne sont plus calomniés par les délateurs, livrés aux bêtes, comment n’apparaîtrait-elle pas pour ce qu’elle est : la vraie religion du Dieu unique, celle qui doit devenir la religion de l’empire du genre humain ? Va, Miltiade, nos martyrs t’accompagnent.
J’ai regardé s’éloigner la litière dans laquelle avait pris place Miltiade. Les centurions l’escortaient.
J’ai pensé à tous les chrétiens qui, depuis le calvaire de Christos, avaient été conduits au supplice, entourés, humiliés, frappés, suppliciés par les soldats de Rome.
Ce temps-là était révolu.
Constantin m’avait entendu : les centurions protégeaient désormais les chrétiens.
Les jours suivants, au palais du Latran, dans la somptueuse demeure que Néron le persécuteur avait construite et où logeait désormais le pape Miltiade, j’appris que Constantin avait décidé de ne pas célébrer la fête de la fondation de Rome mais qu’il s’apprêtait à quitter la ville païenne pour Milan.
J’ai remercié Dieu.
L’empire de Constantin serait donc différent de tous les autres.
Si nous le voulions avec assez de force, il serait chrétien.
Nous accomplirions ainsi le dessein de Christos.
22
C’était l’hiver de la trois cent treizième année après la naissance de Christos.
Je chevauchais près de Constantin et nous approchions de Milan.
Là nous attendait l’empereur Licinius, venu de Nicomédie, avec qui Constantin voulait conclure un pacte d’alliance afin de combattre l’empereur d’Orient – ou qui se prétendait tel –, Maximin Daia.
Constantin ne m’avait pas consulté, mais peut-être l’avais-je incité à faire cette démarche.
Plusieurs fois j’avais dressé la liste des méfaits et des crimes de ce tyran d’Antioche. Maximin Daia se vautrait dans la fureur, la cruauté et la débauche. Il assurait qu’il était le dieu et le sauveur des païens, défendant la religion de Rome contre les princes qui s’étaient soumis aux chrétiens. Il rassemblait à Antioche une armée composée d’Égyptiens, de Syriens et de Phrygiens.
Chaque jour, des chrétiens étaient
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