Contes populaires de toutes les Bretagne
tu
auras retrouvé la brebis que tu m’as perdue !
Le pauvre Féfé errait dans la nuit, bien malheureux, bien
triste, et pleurant toutes les larmes de ses yeux, quand il vit devant lui un
beau monsieur, magnifiquement vêtu, qui lui demanda :
— Que cherches-tu ainsi dans la nuit ?
— Je cherche une brebis que j’ai perdue. J’ai bien faim
et aussi bien peur.
— Allons, allons ! dit le monsieur. Ne t’inquiète
pas pour cette brebis. Si tu veux, je te prends à mon service, et sois sûr que
je te soignerai bien.
Féfé accepta la proposition avec grande joie, et il suivit
le monsieur. Seulement, il faut vous dire que le monsieur était le Diable en
personne. Il voulait mener Féfé en enfer, mais il ne le pouvait pas, parce que
l’enfant n’était pas mort et surtout parce qu’il n’avait jamais commis de
péché. Il se contenta de le conduire dans son écurie, et là, il lui dit :
— Voici trois chevaux et un âne que tu soigneras tous
les jours. Aux chevaux, tu donneras du foin et de l’avoine que tu trouveras
ici, mais pour l’âne, tu te garderas bien de lui donner à manger : il
faudra le brosser avec soin, mais c’est tout. Souviens-toi de ce que je te dis,
car si jamais tu donnais à manger à l’âne, les plus grands malheurs fondraient
sur toi.
Le soir même, Féfé commença son travail. Il soigna
consciencieusement les chevaux, mais l’âne le regardait tristement, avec l’air
de lui dire : « Je t’en prie, donne-moi quelque chose ! »
Le petit berger ne put en dormir de la nuit.
Le lendemain matin, il reprit son service, mais devant le
regard si douloureux du pauvre âne, il n’y put plus tenir et lui donna un bon
picotin d’avoine. Puis il nettoya bien l’endroit où l’âne avait mangé, et quand
le maître vint pour vérifier le travail, il ne remarqua rien. Féfé était bien
content, d’autant plus que l’âne le regardait avec des yeux qui paraissaient
très heureux.
Le soir venu, le monsieur voulut assister au repas des
animaux. Féfé ne put rien donner à l’âne, mais il mit dans sa poche tout le
pain de son dîner à lui, et quand la nuit fut tout à fait tombée, il alla le
porter à l’animal. Aussitôt une grande clarté jaillit au-dessus de la tête de
l’âne, et Féfé lut ces mots : « monte sur mon dos et ne t’inquiète de
rien ».
Sans plus réfléchir, Féfé monta sur le dos de l’âne. À peine
y était-il que celui-ci passa par une fenêtre, si étroite que le pauvre garçon
aurait bien cru ne jamais pouvoir y passer sa tête. Ils se retrouvèrent dans un
immense jardin tout enclos de murs. Le petit berger, qui se croyait perdu, vit
avec stupeur l’âne donner trois coups de sabot dans le mur et ouvrir ainsi un
passage plus grand qu’il n’était besoin. Alors, l’âne, le portant toujours sur
son dos, se précipita par la brèche et s’enfuit dans une course si rapide que
les bottes de sept lieues n’étaient rien à côté.
Ils arrivèrent ainsi sur les bords d’une rivière bien plus
grande que la Rance à Taden, enfin si grande qu’on aurait dit la mer. L’eau
était si claire et limpide que Féfé, qui mourait de faim et de soif, demanda à
l’âne de le laisser descendre afin qu’il pût y boire. Mais l’âne ne lui
répondit même pas. Il se contenta de frapper l’eau de son sabot. Alors, du fond
de la rivière surgit un grand bateau tout blanc. Il n’y avait personne à bord.
D’un bond, l’âne s’y précipita avec son cavalier. Aussitôt, la rivière si jolie
et si claire devint noire et se mit à rouler des vagues grosses comme des
collines. On entendait gronder le tonnerre et on ne cessait de voir des éclairs
effrayants dans la nuit sombre. Féfé n’arrêtait pas de faire des signes de
croix et de dire des prières. Mais il était si fatigué qu’à la fin il
s’endormit sans se rendre compte de ce qui se passait.
Cependant le bateau aborda l’autre rive. C’est à cet instant
que Féfé se réveilla. En se levant, il fut stupéfait de voir qu’il n’avait plus
la même taille qu’auparavant : il était devenu grand, comme un beau jeune
homme. Il regarda autour de lui, inquiet de savoir ce qui était arrivé à l’âne,
mais il le vit à ses côtés.
Le bateau était maintenant immobilisé contre la rive. Alors
l’âne sauta sur la terre ferme, et d’un seul coup il se transforma en un
seigneur vêtu d’une façon éblouissante, avec un manteau tout en or et une
couronne
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