Contes populaires de toutes les Bretagne
auras besoin de quelque chose, tu viendras ici sur
ma tombe, et tu me le demanderas. Et tout ce que tu demanderas, je te le
donnerai. N’aie pas peur, petite fille, toi qui m’as donné ton amitié. Reviens
ici chaque fois que tu auras besoin de moi…
L’étoile du Berger était basse à l’horizon quand mourut le
taureau bleu. La petite fille en larmes mit de la terre et des pierres bleues
sur le pauvre taureau bleu, à la sortie du ravin où les arbres avaient des
feuilles d’or. L’aube pointait de l’autre côté de la forêt, très blanche. La
petite fille reprit son chemin, le cœur bien gros, son chemin qui menait vers
la vallée.
On raconte qu’Yzole fut recueillie par un fermier du bourg
de Tréhorenteuc. Il était pauvre, mais il avait bon cœur. Et du jour où il
recueillit la petite fille, rien ne lui manqua, ni vêtement, ni vaisselle, ni
moissons, et il devint le plus riche de tout le pays, et il aima Yzole comme si
c’était sa propre fille, et Yzole l’aima comme si c’était son père.
Mais certains disent que les nuits de pleine lune, ceux qui
reviennent de la forêt, la hache sur l’épaule, aperçoivent parfois une petite
fille à genoux près d’un monticule de pierres bleues, à l’orée d’un bois très
sombre à l’intérieur duquel personne ne se risque jamais. Et cette petite fille
murmure :
— Taureau bleu ! mon taureau bleu !…
Tréhorenteuc (Morbihan).
Il existe
de ce très beau conte plusieurs autres versions, notamment dans la partie gallo
des Côtes-du-Nord. En fait, le récit demeure assez mystérieux : il faut y
voir le souvenir d’une antique tradition concernant le culte du Taureau, non
pas tel qu’on le trouve dans la religion de Mithra, mais plutôt tel qu’il
apparaît dans certaines épopées irlandaises d’Ulster, en particulier la fameuse Razzia
des Bœufs de Cualngé , où l’enjeu de toutes les batailles est un taureau unique en son
genre. Mais si l’on comprend bien le conte, il s’agit d’une divinité sacrifiée
et démembrée qui, par-delà la mort, continue à protéger ses fidèles et à leur
procurer l’abondance et la fécondité. Le thème remonte donc assez loin dans la
proto-histoire et est sans doute dû aux premiers Celtes, éleveurs de bétail,
qui vinrent s’installer dans l’Europe occidentale.
Basse-Bretagne
L’ERMITE DU MENEZ-BR É
Autrefois, il y a bien longtemps, à ce qu’on m’a dit,
habitait un ermite au manoir de Rûn-ar-Goff, sur le versant occidental de la
montagne qu’on appelle le Menez-Bré. Cet ermite se nommait Gwenc’hlan et on
disait aussi qu’il était prophète, qu’il pouvait lire dans les étoiles et que
ceux qui allaient le consulter ne revenaient jamais sans quelque certitude
concernant le destin des hommes. Gwenc’hlan ne ressemblait à personne. Son
physique même n’était pas comme celui des autres mortels. On aurait dit qu’en
lui brillait une lumière surnaturelle, étrange, un peu comme la lumière qu’on
aperçoit, la nuit, le long des murs des cimetières. Pourtant Gwenc’hlan était
un homme comme vous et moi. Il mangeait du pain, buvait de l’eau, ou du cidre
lorsqu’il en avait, et il parlait le langage des autres hommes. On racontait
seulement qu’il avait la tête mobile sur les épaules et que, pour voir derrière
lui, il n’avait pas besoin de tourner le corps. Ainsi, rien ne lui
échappait : il avait les yeux partout à la fois. Il était comme le Menez
qui, sans bouger, regarde le ciel en ses quatre horizons. Ce qui était sûr,
c’est qu’il parlait aussi le langage des animaux, car on l’avait souvent vu
converser avec eux. Les corbeaux ne regagnaient jamais leur gîte dans les bois,
le soir, sans venir lui rendre visite, faisant ainsi leur rapport sur ce qu’ils
avaient observé durant la journée. Les oiseaux de passage s’arrêtaient sur le
rebord de sa fenêtre et lui racontaient tous les événements insolites dont ils
avaient été les témoins dans les pays qu’ils avaient survolés. Les renards et
même les loups entraient dans sa cour, et Gwenc’hlan les écoutait avec
attention quand ils avaient quelque chose d’important à lui dire.
Une année, il fut informé par les oiseaux qu’une troupe
innombrable de guerriers saxons s’apprêtait à faire irruption sur les côtes de
Bretagne. Dédaignant de répondre à ses gens qui le harcelaient de questions, il
revêtit son harnois de guerre, ceignit sa lourde épée qui, d’habitude,
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