Contes populaires de toutes les Bretagne
entendait dans l’ancien temps, triste et sereine à la fois, violente et
insinuante comme le chant des bardes qui accompagnaient nos ancêtres dans les
combats. Enfin, on avait entendu un grand soupir, et puis plus rien. Les
conducteurs des chariots avaient enlevé leurs bandeaux. Ils n’avaient plus vu
Gwenc’hlan : il semblait s’être évanoui dans la nuit et la brume qui
environnait le Menez-Bré. Mais, les soirs d’automne et d’hiver, surtout pendant
les mois noirs , on entend une voix dans le vent
qui souffle sur la montagne. Et cette voix dit :
— Je suis Gwenc’hlan, l’ermite du Menez-Bré, celui qui
vous a aidés pendant qu’il était vivant. Maintenant je suis dans une froide
tombe, quelque part dans le sol de Bretagne, mais je suis toujours celui que
vous avez connu et je protège la montagne contre tous les guerriers du monde
qui voudraient s’en emparer…
Et le vent continue de hurler sur les rochers, le long des
pentes de la montagne, pendant que la nuit s’écoule, dans la brume et les
nuages, comme une grande ombre qui s’étend sur la terre.
Pluzunet (Côtes-du-Nord).
Ce
récit, recueilli à la fin du XIX e siècle de la bouche de
Marc’harid Phulup, la reine des conteuses, ne semble pas entièrement populaire,
du moins quant à son origine. En effet, le nom de Gwenc’hlan et la personnalité
du prophète doivent beaucoup au Barzaz-Breiz de La Villemarqué. En fait, il
s’agit d’un ermite nommé Guiclaff, dont le souvenir nous a été transmis par un
texte du XV e siècle qui nous le montre
en train de prophétiser pour le roi Arthur. Il y a là conjonction de la
tradition littéraire et de la tradition populaire.
LES AVENTURES DE YANN BAZ-HOUARN
Yann était resté trois ans dans le ventre de sa mère, et
quand il vint au monde, il était l’enfant le plus fort qu’on eût jamais vu.
Quand il eut quatorze ans, on lui fabriqua un bâton de fer
qui pesait cinq cents livres, et il s’en alla voyager avec ce bâton.
Il marchait depuis longtemps lorsque, dans un bois, il
rencontra une vieille femme dont l’aspect était horrible. Elle avait des dents
à faire peur, des dents longues et aiguës.
— Comme vous avez des dents longues, grand-mère !
lui dit-il.
— Et comme elles sont aiguës, mon fils ! répondit
la vieille.
— Mordez à mon bâton, pour voir.
Il éleva son bâton à la hauteur de la bouche de la vieille
femme. Elle y mordit et emporta un morceau.
Yann était fort mécontent de voir son bâton entamé. Il le
souleva encore une fois et lui en donna un coup sur la tête.
— Tiens, dit-elle, on dirait qu’il tombe de la grêle.
Elle ne paraissait pas autrement incommodée par le coup de
bâton. Yann lui en donna un second, puis un troisième. À la fin, il la tua et
lui cassa trois dents. De la première dent, il sortit une boule d’or creuse, et
des deux autres une boule d’or pleine.
Puis Yann continua sa route tranquillement, comme si rien ne
lui était arrivé. Il se trouva bientôt dans un grand bois très sombre. Au
milieu de ce bois, il vit un château et une autre vieille femme qui semblait
l’habiter. La vieille lui dit :
— Tu as tué ma sœur, mais à présent, tu vas avoir
affaire à moi !
Elle était très menaçante et s’avançait vers Yann. Sans rien
répondre, Yann lui déchargea un grand coup de son bâton sur la tête, et il la
tua comme l’autre. Puis il la jeta dans une grande marmite d’eau bouillante qui
était là, sur le feu.
Alors il monta sur la cheminée et attrapa un sac rempli de
cailloux. Il se préparait à partir lorsqu’un géant, qui était le fils de la
vieille, arriva dans la maison en disant :
— J’ai faim, mère, j’ai grand-faim !
Le géant ne voyait pas Yann et il cherchait sa mère partout.
— Où êtes-vous, ma mère ? demandait-il.
— Ici ! dit la vieille. Dans la chaudière !
— Où donc ?
— Dans la chaudière.
Le géant se pencha sur la chaudière et Yann lui lança un
gros caillou sur la nuque, si violemment qu’il tomba à l’intérieur, la tête la
première.
Un autre géant entra peu après. Lui aussi alla regarder dans
la chaudière et Yann lui envoya un caillou, le faisant tomber de la même
manière.
Mais un troisième géant fit bientôt son entrée. Comme il ne
voyait personne, il demanda :
— Où êtes-vous, ma mère ?
Ce fut Yann qui répondit :
— Ici, mon fils, sur le haut de la cheminée.
— Descendez vite pour me
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