Contes populaires de toutes les Bretagne
six mois.
— Eh bien, dit la vieille, vous avez été absent d’ici
pendant quatre-vingt-cinq ans. Que votre barbe est blanche ! vous avez
cent vingt ans !
Matelin Le Néour entra dans la maison. Il y avait une glace
dans la pièce. Il se regarda et vit qu’il avait une longue barbe toute blanche.
Riantec (Morbihan).
Il
s’agit ici d’une des multiples variantes du récit concernant un être humain qui
s’endort ou qui séjourne dans l’Autre-Monde pendant de nombreuses années alors
qu’il croit n’y avoir passé que quelques heures ou quelques jours. Les Korrigans,
appelés dans le pays vannetais les ozeganñed , sont des êtres qui
appartiennent à cet Autre-Monde mystérieux. Ils ne sont pas hostiles aux
humains, mais le temps qui régit leur monde n’est pas le même que celui qui
s’écoule au-dessus de la surface de la terre.
LA NOIX DU KORRIGAN
Un jeune prince était allé à la guerre. Il avait laissé sa
femme dans son château, en compagnie de la sœur de celle-ci. Très souvent, la
princesse allait se promener sur la route. Et à chaque fois, elle rencontrait
un petit homme vêtu de rouge qui surgissait des fourrés et qui passait devant
elle avant de disparaître du côté d’un étang. Et la princesse se moquait du
petit homme, trouvant sa démarche ridicule et sa taille vraiment trop petite.
Et le petit homme, qui était un Korrigan, ne répondait rien. Il se contentait
de passer devant elle.
Un jour, cependant, au lieu de disparaître du côté de
l’étang, le Korrigan s’arrêta sur le bord de la route et étala devant lui des
noix qu’il tirait d’un gros sac. Et il dit à la princesse :
— Princesse, veux-tu m’acheter des noix ?
La princesse, qui avait commencé à se moquer de lui, regarda
les noix que le Korrigan lui présentait. Elles étaient belles et appétissantes,
et la princesse en eut envie.
— Pourquoi pas ? dit-elle.
Le Korrigan remit les noix dans le sac, mais il en tendit
une à la princesse en disant :
— Il faut que tu manges celle-ci la première.
La princesse revint au château avec son sac de noix. Sur le
chemin, elle cassa la coque de la noix et la mangea. Puis elle en mangea
d’autres, car elle était gourmande de noix. Cependant, elle en garda une
demi-douzaine pour sa sœur. Quand elle fut arrivée au château, elle alla
trouver sa sœur.
— Tiens, lui dit-elle, voici des noix que j’ai achetées
à un Korrigan, et j’en ai rapporté pour toi.
— Quel Korrigan ? demanda la sœur. Ne serait-ce
pas celui dont tu te moques toujours ?
— Oui, répondit la princesse.
— J’ai peur qu’il ne t’arrive quelque chose, dit la
sœur.
— Que veux-tu qu’il m’arrive ?
— Il n’est pas bon de se moquer des Korrigans.
Au bout d’un mois, la princesse tomba malade. On fit venir
un médecin. Il examina la princesse et dit :
— Ce n’est pas bien grave, vous allez avoir un enfant.
— Comment ? dit la princesse. Mais ce n’est pas
possible : il y a déjà plusieurs mois que mon mari est parti.
— Pourtant, c’est ainsi, dit le médecin, et ce n’est
pas autre chose.
Quand le médecin fut parti, la princesse se mit à pleurer.
— Que va dire mon mari lorsqu’il reviendra ? Je
suis perdue.
Sa sœur, qui était auprès d’elle, lui dit :
— Le Korrigan a fait une sorcellerie.
— Il m’a vendu des noix et m’a dit de manger la
première.
— C’est sûr, dit la sœur, il a mis une sorcellerie dans
la noix que tu as mangée.
— Oui, dit la princesse, mais ce n’est pas ma faute.
— Demain, dit la sœur, j’irai trouver le Korrigan et je
l’insulterai plus vilainement qu’il ne l’a jamais été.
Le jour suivant, la sœur s’en alla sur la route. Le Korrigan
était là et il avait étalé des noix.
— Veux-tu m’acheter des noix ? demanda-t-il.
— Que non ! dit-elle. Acheter du poison,
certainement pas. Tu as déjà trompé ma sœur et tu t’en repentiras, maudit
nain !
Le Korrigan se mit à rire :
— Voilà ce qui arrive quand on se moque des gens,
dit-il.
Il ramassa ses noix dans un sac et il partit en
disant :
— Quand viendra le moment, tu viendras me trouver, on
trouvera peut-être moyen de s’entendre.
Et il disparut dans un fourré.
La princesse donna le jour à un garçon. Il était très beau
et très fort. Sa mère ne pouvait s’empêcher de l’aimer et de le nourrir avec beaucoup
de soin. Un jour, sa sœur, qui était allée se
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