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Crépuscule à Cordoue

Crépuscule à Cordoue

Titel: Crépuscule à Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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je m’apprêtais à dire à Gorax que j’avais rencontré ton père à Rome lors d’un souper très agréable.
    — C’est en effet mon père qui se charge des visites à l’étranger, confirma Cyzacus fils.
    — Pour y nouer des relations commerciales ?
    Il échangea un regard avec Gorax. L’un était peut-être un mauvais poète et l’autre un ancien lutteur couvert de cicatrices, mais aucun des deux n’était bête.
    — Tu es l’homme de Rome ! s’exclama Cyzacus d’une voix acerbe.
    — On s’attendait à ta visite, rugit Gorax.
    — C’est déjà la troisième fois que je viens. Et j’ai toujours trouvé le bureau fermé.
    Ils échangèrent de nouveau un regard. Je compris tout de suite qu’ils s’apprêtaient à me servir une histoire soigneusement mise au point.
    — Je constate une fois de plus, dis-je, que Cordoue est une ville où les secrets n’existent pas. J’ignore quelles relations tu entretiens avec ton père, mais j’ai besoin de lui poser quelques questions sur le commerce de l’huile d’olive.
    — Père habite à Hispalis, confirma le vrai fils. C’est là que la guilde des bateliers a son quartier général. Il occupe des fonctions importantes, précisa-t-il d’un air suffisant.
    — Eh bien, je n’ai plus qu’à me rendre à Hispalis, rétorquai-je posément.
    Les deux frères dissimulaient mal leur nervosité.
    — Est-ce que ce chaland déjà chargé va y partir bientôt ? Je pourrais profiter du voyage ?
    Ils ne firent aucune difficulté pour m’apprendre quand le départ était prévu. Ils paraissaient plutôt contents de laisser leur père traiter avec moi. D’après le souvenir que je gardais de lui, c’était un type à l’aspect coriace. Gorax me proposa même un passage gratuit. C’était un des avantages du métier d’enquêteur. Les gens que j’interrogeais offraient souvent de payer mon voyage pour que je puisse aller questionner une autre personne. Surtout si cette personne habitait à cent milles de chez eux.
    — Ça doit tout de même compliquer les choses pour les mariniers d’avoir leur guilde à Hispalis quand tout le commerce se fait à Cordoue, ajoutai-je.
    Ma remarque arracha un sourire narquois au poète.
    — Ça fonctionne très bien, assura-t-il. Chez Cyzacus et filii, nous nous considérons comme des intermédiaires. Dans tous les sens du terme.
    Je lui rendis son sourire.
    — Oui, tout le monde m’a assuré que Cyzacus et filii sont les mariniers les plus influents sur le Guadalquivir.
    — C’est exact, intervint Gorax.
    — Donc, si les producteurs d’huile d’olive se liguaient tous, afin de mieux promouvoir leur petit négoce, votre compagnie serait obligatoirement de la partie ? En tant que représentants de la guilde, précisai-je.
    Le jeune Cyzacus n’avait pas besoin d’un dessin. Il comprenait fort bien à quoi je faisais allusion.
    — Les mariniers et les producteurs d’huile d’olive ne mélangent pas leurs intérêts, affirma-t-il d’une voix tranchante.
    — Oh ? Alors, c’est que j’ai dû mal comprendre. Je croyais que ton père s’était rendu à Rome pour participer à des négociations visant à établir de nouveaux tarifs.
    — Pas du tout. Il est allé à Rome pour le compte de la guilde, afin de contrôler leur bureau d’Ostie.
    — Ah ! très bien. Dis-moi, est-ce que ton père a l’habitude de fréquenter des danseuses.
    Les deux faux frères éclatèrent d’un rire sincère. Ils m’assurèrent que leur père n’avait pas regardé une fille depuis un demi-siècle. Et il était évident qu’ils le croyaient.
    Un cri désespéré attira alors notre attention. Le cocher Marmarides se trouvait toujours dans le fleuve. Il flottait sur le dos, dans la position du légionnaire – son maître, Stertius, la lui avait sans doute enseignée –, en tenant le boiteux sous le menton pour lui maintenir la tête hors de l’eau. Ce dernier n’avait pas lâché son outre de vin qui lui servait de bouée. Tous les deux attendaient que quelqu’un se décide à leur jeter une corde.

36
    Ma vie sociale devenait de plus en plus prometteuse. Après Marius Optatus qui avait promis de m’introduire chez les joyeux célibataires de Cordoue, voilà que Cyzacus m’offrait une balade gratuite sur le Guadalquivir.
    Si je n’avais eu que son père à voir à Hispalis, je l’aurais sans doute rayé de ma liste de suspects. Ce n’était pas le cas. Je tenais également à rencontrer le

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