Crucifère
fâcheux, dit Simon.
— Très.
— Ce qui ne nous laisse plus que la voie des armes et celle de l’argent, dit Cassiopée.
— Hélas, étant donné l’état de nos finances, nous n’irons pas plus loin que ce petit débarcadère, dit Montferrat en leur montrant un minuscule espace laissé libre à l’une des extrémités du port d’Ostie. Et encore, ce sera en chaloupe…
— Je croyais que vous aviez dans vos cales plus d’or et d’objets précieux qu’il n’en fallait pour sauver Jérusalem, objecta Simon.
— Ces trésors m’ont été confiés par Balian II d’Ibelin, déclara Montferrat, une main sur la poitrine. En remerciement des terres et châteaux de Provence que Chefalitione lui a rendus, après les avoir reçus de lui pour emmener l’archevêque Josias de Tyr à Ferrare. Ces richesses sont expressément, et uniquement, destinées à m’ouvrir les portes de Jérusalem – non celles du Vatican. Je n’ai aucune envie de me retrouver seul face aux démons de Saladin, et suis contraint d’engager moult mercenaires…
Cassiopée se rappela les deux barres d’or et de diamants que lui avait remises Saladin, et était sur le point de les offrir à Montferrat, lorsque Simon s’exclama :
— Alors, renonçons ! Allons à Tyr, et revenez ensuite ici, sans nous.
— Je n’ai pas envie de passer ma vie à traverser la Méditerranée, grommela Montferrat. J’ai une ville à gouverner, un royaume à reconquérir et un peuple à sauver. D’ailleurs, nous sommes arrivés. Je vais donner l’ordre de mouiller les ancres…
Le marquis parti, Cassiopée se pencha vers Simon et lui susurra à l’oreille, sur un ton glacé :
— Pas question de renoncer. N’oublie pas l’or et les diamants que Saladin nous a offerts pour nous récompenser d’avoir sauvé son fils.
— Dois-je te rappeler que ces richesses doivent nous servir à sauver ton père ?
— Qui te dit que le chemin de sa libération ne passe pas par Chefalitione ?
Simon séparait les bouts de noix des débris de coque, sans un regard pour Cassiopée. Qu’elle décide. Après tout, c’était son père…
— Cela nous laisse la manière forte, dit-il cependant en avalant un premier morceau de noix. Moi, ça me va.
Il posa sa main libre sur le pommeau de son épée, et promena son regard sur la rive enneigée. Elle était encombrée d’estaminets d’où montaient des clameurs étouffées, des chansons à boire et de chaudes lumières ; clameurs, chansons et lumières que Simon semblait défier du regard tant il les regardait avec animosité.
— Pourquoi faut-il commencer par libérer un homme des geôles du Paradis pour en sortir un autre des Enfers ? soupira-t-il en mâchonnant.
— Question d’équilibre ? suggéra malicieusement Cassiopée.
Simon lui jeta un tel regard qu’elle crut qu’il allait lui bondir dessus, pour l’embrasser ou la dévorer. Elle recula d’un pas. Simon baissa les yeux, lèvres tremblantes.
« Dois-je lui dire que je sais ? » se demandait Cassiopée. « Est-ce à lui de me reparler de mariage, ou à moi ? »
Mais elle n’eut pas le temps de se poser plus longtemps la question : Simon venait de lancer à Rufinus son dernier cerneau, que l’évêque goba tel un crapaud avalant un moustique.
— Pourquoi fais-tu ça ? demanda Cassiopée à Simon. Tu sais qu’il n’a pas d’estomac. Comment veux-tu qu’il le digère ?
— Oh, désolé, hoqueta Simon.
Cassiopée souleva Rufinus à la hauteur de ses yeux, et s’enquit :
— Ça va ?
— Hum, hum, fit l’évêque en mâchant son cerneau de noix, avant de l’avaler. Ça vaaa…
En vérité, le résultat ne se fit pas attendre. L’évêque fit la grimace et commença à toussoter. Le fond de sa gorge ayant été obstrué par une plaque de métal, les morceaux ne pouvaient s’échapper. Saisi de démangeaisons au niveau de la glotte, il se mit à tousser comme un damné. Cassiopée n’eut d’autre solution que de le retourner et de le secouer vigoureusement.
Des débris de noix tombèrent sur le pont du navire.
— Ne recommence jamais ça ! dit-elle à Simon.
Puis elle tourna les talons pour se diriger vers la petite échelle de corde qui permettait d’accéder à la chaloupe de La Stella di Dio.
Simon la suivit, provoquant sa colère :
— Laisse-moi y aller seule avec Montferrat ! Tu serais capable de faire échouer l’opération…
Simon s’apprêtait à lui répondre, mais
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