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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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Poucet. Grâce à elles, m’expliqua-t-elle, elle pouvait franchir sept lieues en un pas. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’elle ait couvert de si vastes distances en aussi peu de temps.
    — Et que cherchait-elle ?
    — Vous.
    — Et Morgennes ?
    — C’est moi qui lui ai appris que votre père était mort, dit-il en baissant la tête.
    — Alors, vous saviez ?
    — Que c’était votre père ? Non. Ça, c’est elle qui me l’a appris…
    Alexis releva son visage aux traits taillés à la serpe.
    — Vous voyez, nous avions beaucoup de choses à nous dire. J’ai bien connu votre père. Nous avons failli être adoubés ensemble, par le roi Amaury. Mais Morgennes déclara : « Majesté, je ne mérite pas cet honneur. »
    — Pour quelle raison ?
    — Vous ne savez donc rien de son histoire ?
    — Hélas, non. C’était mon père, et j’ignore tout de lui. Je ne l’ai connu que quelques semaines, lors de sa quête de la Vraie Croix. Et encore. Je ne savais même pas qu’il était mon père.
    — Tout comme il ignorait que vous étiez sa fille.
    Alexis repoussa sa chaise et se leva de table. Marchant vers la cheminée où aucun feu ne brûlait, il raconta à Cassiopée la manière dont il avait fait la connaissance de Morgennes, à Alexandrie, lors des campagnes d’Amaury.
    — Au fur et à mesure des années, nous nous sommes liés d’amitié. Je puis vous assurer qu’il aurait été fier de vous. C’était quelqu’un de bien. D’exceptionnel même. J’avais tellement d’estime pour lui qu’en l’an de grâce 1186, lorsqu’il a fallu désigner un nouveau gardien de la Vraie Croix, j’ai vivement insisté pour qu’on choisisse votre père. Je savais qu’il n’en avait pas envie, mais je savais également qu’il était – plus qu’aucun autre de nos frères – le gardien de la Croix idéal… Mais j’ignorais qu’il le serait au point de lui sacrifier son honneur et son âme, dit-il en baissant la voix. J’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur.
    — Je ne peux pas croire qu’un homme qui a tout donné pour la Vraie Croix croupisse en Enfer. Ou plutôt, puisque je l’y ai vu tomber de mes propres yeux, je ne puis accepter qu’il y reste !
    — Bah, il ne faut pas toujours croire ce qu’on voit. Je sais qu’il n’a pas été baptisé…
    — Il n’a pas été baptisé ?
    — Non.
    Alexis de Beaujeu parut s’absorber dans ses pensées, comme perdu dans un douloureux passé – mais un passé auquel se réchauffer quand même, tant les temps actuels étaient froids, tant il était privé d’amis.
    — Votre père était juif, par sa mère.
    Cassiopée ouvrit de grands yeux étonnés, et l’écouta attentivement.
    — Je ne l’ai jamais dit à personne. Dans l’Hôpital, personne ne le sait, sauf moi. Ce qui explique qu’il ait pu intégrer nos rangs. Comme je vous l’ai dit, Morgennes était quelqu’un d’exceptionnel. Bref, tout cela pour dire que je suis sûr que votre père ne peut être en Enfer. Demandez-vous plutôt s’il n’est pas au Shéol, dans l’au-delà des juifs.
    Il lui expliqua que, dans l’Ancien Testament, le Shéol était cité à de nombreuses reprises. Il désignait à l’origine un lieu « dans les profondeurs de la Terre » où les âmes étaient couchées dans la poussière, sans aucun espoir de résurrection.
    — Mais nous avons choisi de rendre ce terme – trop hébraïque au goût des chrétiens – par « fosse », « tombe », « séjour des morts » ou « enfer ». Cela dit, certains Grecs ont choisi de le traduire par « Hadès ».
    — Comment savez-vous tout cela ?
    — Depuis que votre mère m’a appris la mort de votre père, je n’arrête pas de penser à l’au-delà. Mes fonctions m’interdisent d’abandonner mes hommes, ou de quitter le Krak. Mais elles ne m’empêchent pas de discuter avec notre frère infirmier, qui est un immense érudit, ou de me plonger dans la lecture des livres de notre scriptorium.
    Cassiopée songea à tout cela, se rappela les propos exaltés de Chefalitione, les avis de Conrad de Montferrat et de Saladin, sa conversation avec Massada, et dit à Alexis de Beaujeu :
    — Peut-être avez-vous raison. Peut-être qu’il n’y a après la mort ni souffrance ni espoir de résurrection. Mais peut-être pas. J’ai l’intention de poursuivre ma quête, car jusqu’à présent elle m’a permis de rencontrer des personnes formidables, qui

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