Dans l'intimité des reines et des favorites
soin qu’il ne parlât à personne. Puis il partit se recoucher, pendant que le Louvre se remettait doucement de ce tumulte causé par une lettre d’amour…
Quand il fut seul avec ses gardes, François demanda si sa sœur Marguerite, pour laquelle il conservait une tendre passion malgré M me de Sauve, avait été, elle aussi, malmenée et mise sous surveillance.
— Non, répondit M. de Losse.
Le duc d’Anjou soupira.
— Cela soulage beaucoup ma peine de savoir ma sœur libre, dit-il, mais, encore qu’elle soit en cet état, je m’assure qu’elle m’aime tant qu’elle aimera mieux être prisonnière avec moi que de vivre libre sans moi.
Et il supplia son gardien d’aller demander à la reine mère d’intervenir auprès du roi pour que sa sœur bien-aimée fût autorisée à partager sa captivité.
À l’aube, M. de Losse, avec l’accord de Catherine de Médicis, envoya chercher Marguerite. Celle-ci ignorait ce qui s’était passé pendant la nuit. Elle accourut « le visage inondé de larmes » et se jeta dans les bras de son frère en s’écriant « que sa vie et sa fortune étaient attachées à la sienne ; qu’il n’était en la puissance que de Dieu seul d’empêcher qu’elle l’assistât en quelque condition qu’il pût être ; que si on l’emmenait de là et qu’on ne lui permît d’être avec François elle se tuerait en sa présence ».
Comme le dit Dreux du Radier : « Voilà une amitié fraternelle bien violente. »
Le surlendemain, le roi, sur les conseils de sa mère, rendit une demi-liberté au duc d’Anjou qui en profita pour préparer aussitôt son évasion avec la complicité de Marguerite… Et quelques semaines plus tard, par une nuit sans lune, François quittait le Louvre au moyen d’une corde, courait jusqu’à une abbaye située contre les murs de la ville, gagnait la campagne, sautait sur un cheval et se retirait à Angers.
Après le départ de son frère, Marguerite commença à s’ennuyer, et, comme « elle s’était fait donner le picotin » par tous les hommes de la cour, elle alla demander à Henri III de l’autoriser à rejoindre son époux à Nérac.
Le roi, qui ne décolérait pas depuis la fuite du duc d’Anjou, allait refuser une fois de plus, quand Catherine de Médicis intervint :
— Ma fille, vous irez en Guyenne et je vous accompagnerai…
Ce n’était pas par pure bonté d’âme que Catherine de Médicis acceptait d’aller voir son gendre ; mais pour des raisons politiques.
Depuis quelques mois, une agitation huguenote assez inquiétante était signalée en Languedoc, et pour parer à une nouvelle menace de guerre civile, la Florentine jugeait prudent de se rendre sur place.
Le départ eut lieu en grande pompe le 2 août 1578. Jusqu’au dernier instant, le roi, toujours aussi jaloux de son frère, « fit tout ce qu’il put pour se mettre bien dans l’esprit de Marguerite et y détruire le duc d’Anjou. Il ne put y réussir » [40] .
La désirait-il encore ? C’est probable. Et il la voyait partir avec amertume, sachant qu’il eût suffi d’un peu moins de maladresse pour retrouver avec Margot les plaisirs qu’il avait connus à quinze ans.
Souvenir exaltant, brûlant, magnifique, que les mignons ne parviendraient jamais à effacer…
La longue suite de carrosses traversa la Touraine et le Poitou, soulevant un enthousiasme considérable dans le peuple, tout heureux de voir les deux reines et tant de jolies femmes derrière elles. Catherine de Médicis, pour améliorer les rapports avec certains chefs huguenots, avait jugé bon, en effet, de se faire accompagner de l’Escadron Volant au grand complet…
Or, parmi ces dames se trouvait M me de Sauve, qui avait partagé naguère la couche de Henri de Navarre…
Ainsi, la Florentine traversait-elle la France sous les acclamations en ramenant à son gendre à la fois une épouse et une maîtresse…
Cette curieuse situation était connue de Marguerite qui, loin de s’en choquer, s’en amusait.
— La présence de M me de Sauve rendra mon retour plus agréable à mon mari, disait-elle en riant. D’ailleurs, nous sommes très liées, elle et moi.
Et elle se plaisait à évoquer avec ses amis les curieux chassés-croisés de sa vie sentimentale : son frère – dont elle était la maîtresse – était également l’amant de la maîtresse de son mari…
Elle eût été tribade que la boucle se fût peut-être joliment
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