Dans l'intimité des reines et des favorites
que j’en ferais un fils ou une fille, ainsi qu’il me plairait.
« Il me dit :
« — Sage-femme, puisque cela dépend de vous, mettez-y les pièces d’un fils.
« Je lui dis :
« — Si je fais un fils, Monsieur, que me donnerez-vous ?
« — Je vous donnerai tout ce que vous voudrez ; plutôt tout ce que j’ai.
« — Je vous ferai un fils, et ne vous demande que l’honneur de votre bienveillance, et que vous me vouliez toujours du bien…
« Il me le promit et me l’a tenu… »
Le 27 septembre, la reine accoucha à Fontainebleau, et Louise Bourgeois nous conte comment elle revigora le nouveau-né, qui se trouvait un peu déficient :
« J’enveloppai bien l’enfant, ainsi que j’entendais ce que j’avais à faire. Le roi vint auprès de moi, regarde l’enfant au visage, que je vis en grande faiblesse. Je demande du vin à M. de Lozeray, l’un des premiers valets de chambre du roi. Il apporta une bouteille ; je lui demande une cuiller. Le roi prit la bouteille qu’il tenait. Je lui dis :
« — Sire, si c’était un autre enfant, je mettrais du vin dans ma bouche et lui en donnerais, de peur que la faiblesse ne dure trop.
« Le roi me mit la bouteille contre la bouche, et me dit :
« — Faites comme à un autre.
« J’emplis ma bouche de vin, et lui en soufflai ; à l’heure même, il revint et savoura le vin que je lui avais donné [167] … »
C’est ainsi que le futur Louis XIII entra dans la vie en buvant un grand coup de rouge.
Louise Bourgeois présenta alors le nouveau-né à l’assistance. « Et, nous dit Héroard, médecin du roi, l’on put voir un enfant grand de corps, gros d’ossements, fort musculeux…, les parties génitales à l’avenant du corps et le croupion tout velu. »
Ce spectacle pourtant bien anodin attira les jeunes femmes de la cour, tout heureuses de contempler ce qui leur permettrait peut-être un jour d’être de puissantes favorites.
« M me la duchesse de Bar, sœur du roi, qui considérait les parties si bien formées de ce beau corps, ajoute Héroard, ayant jeté sa vue sur celles qui le faisaient être dauphin, se retourna vers M me de Panjas et lui dit qu’il en était bien parti (pourvu) [168] . »
Tout le monde éclata d’un gros rire…
Après quoi, on fit la fête, et Marie de Médicis, fière d’être la première à donner un héritier au roi, se rengorgea dans son lit et prit l’attitude hautaine d’une grosse dinde.
Quelques semaines plus tard, Henriette, un peu jalouse d’avoir été distancée, mit au monde, à son tour, un garçon, que l’on baptisa Henri…
Comme le Béarnais ne perdait pas une occasion d’être désagréable à son épouse, il déclara que cet enfant était plus beau que celui de la reine. Ce qui n’arrangea pas les choses entre les deux femmes…
La naissance du petit Henri raviva les espérances anciennes de la favorite :
— La Florentine tient son fils, disait-elle, mais moi je tiens le dauphin. J’ai toujours la promesse que le roi m’a signée et je suis prête à la montrer à l’Europe entière…
Poussée par ses parents, qui ne décoléraient pas depuis l’arrivée en France de Marie de Médicis, elle voulut, dès lors, qu’on la regardât comme la femme légitime du roi et la véritable reine de France…
Aussi refusa-t-elle de permettre que son fils fût conduit à Saint-Germain pour être élevé avec les autres enfants du Béarnais :
— Je ne veux pas, dit-elle, qu’il soit en compagnie de tous ces bâtards…
Bien entendu, le propos fut rapporté à la reine qui entra dans une vive colère et traita, une fois de plus, la marquise de putane… Pour se venger, la favorite s’amusa à imiter devant le roi et en public les manières lourdes et l’accent italien de Marie de Médicis. Au lieu de s’offusquer, Henri IV s’esclaffa et voulut que ses amis – un peu gênés – rient avec lui.
Le lendemain, la reine fut mise au courant de cette petite séance d’imitation. Elle s’en plaignit au roi, qui lui répondit avec son inconscience habituelle « qu’elle ne devait pas se fâcher pour des bouffonneries faites simplement pour divertir… »
Cet argument, on s’en doute, ne calma pas la Florentine qui demanda le renvoi immédiat de la marquise. Agacé, Henri IV chargea Sully de réconcilier les deux femmes et s’en fut oublier ses ennuis domestiques avec la duchesse de Villars, sœur de Gabrielle
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