Dans l'intimité des reines et des favorites
d’Estrées, qui, depuis quelque temps, « frétillait du croupion tout en le regardant ». Malgré son sourire séduisant, cette jeune personne était amère. À la mort de la duchesse de Beaufort, il lui avait semblé anormal, en effet, de ne pas devenir favorite, « comme si, nous dit Charles Merki, le roi eût été tenu de choisir encore dans la famille… ».
Henri IV la mit dans son lit ; mais il la trouva fade et leur liaison dura peu. La pauvre en fut atrocement déçue, car elle s’était livrée « contre sa pudeur » à mille extravagances perverses dans l’espoir de paraître mieux douée que la marquise de Verneuil.
Son échec la fâcha tellement qu’elle résolut de séparer Henriette du roi. Sachant que la favorite trompait quelque peu Henri IV avec le prince de Joinville, elle courut chez ce jeune homme, frétilla comme elle le savait bien faire, l’enjôla et devint sa maîtresse.
Deux heures plus tard, elle avait entre les mains des lettres fort tendres que la marquise de Verneuil avait envoyées au prince. C’était tout ce qu’elle désirait.
— Prêtez-les-moi, dit-elle.
L’autre accepta et M me de Villars courut montrer ces papiers compromettants à la reine qui bondit de joie.
— Il faut absolument qué lé roi les voie !
— Je m’en charge, répondit la duchesse.
Lorsque Henri IV eut les lettres sous les yeux, il fut très fâché. Car non seulement M me de Verneuil y avait écrit des choses fort impudiques qui prouvaient son intimité avec le prince de Joinville, mais elle le traitait lui, le roi, de vieux barbon…
Comme il avait horreur des scènes, il chargea un de ses confidents d’aller jeter des injures à la tête de la favorite. Mais Henriette était rouée. Elle parvint à faire croire qu’il s’agissait de lettres écrites par un faussaire, et elle rentra en grâce, tandis que M me de Villars était chassée du Louvre.
C’est à ces pauvres intrigues que la cour de France passait son temps en l’an de grâce 1602…
On allait avoir bientôt d’autres préoccupations.
François d’Entragues, père de Henriette, lorsqu’il fut mis au courant du complot ourdi par M me de Villars, trembla rétrospectivement à la pensée que sa fille eût pu être à tout jamais chassée par Henri IV . Et il pensa qu’il était grand temps d’ameuter l’Europe contre ce roi « qui n’avait pas tenu sa promesse de mariage », et de faire reconnaître son petit-fils Henri comme le véritable héritier du trône de France…
Un conseil de famille se tint à Malesherbes et le comte d’Auvergne, frère utérin de Henriette, prit la direction des opérations. Par l’intermédiaire du maréchal de Biron, qui conspirait avec l’étranger, il entra en relation avec Philippe III d’Espagne.
— Ma sœur a été trompée, dit-il. Voulez-vous l’aider à faire valoir ses droits ?
L’Espagnol, comprenant qu’il y avait là une occasion inespérée de diviser la France, promit son appui ; et il fut décidé qu’à la mort de Henri IV – dont on envisageait avec tranquillité d’avancer la date – la couronne subtilisée au dauphin passerait sur la tête du fils de Henriette.
Mais le complot fut découvert le 15 juin 1602 et Biron fut arrêté à Fontainebleau. Cette nouvelle provoqua une immense émotion dans toute la France, car le maréchal, héros d’Arqués, d’Arcy, de Fontaine-Française, était l’objet de la vénération populaire.
Le comte d’Auvergne ne tarda pas à être appréhendé également et les deux hommes se retrouvèrent à la Bastille…
Alors le nom d’Entragues commença d’être murmuré. Aussitôt interrogée, Henriette jura, naturellement, ses grands dieux qu’elle n’était au courant de rien, et on la mit hors de cause ainsi que son père.
Le procès se déroula donc sans eux. À l’issue des débats, le roi, qui ne voulait faire nulle peine à sa maîtresse, eut la faiblesse de gracier le comte d’Auvergne. Quant au maréchal de Biron, dont se désintéressait la favorite, il fut quelques jours plus tard proprement décapité [169] …
La conspiration avait échoué ; néanmoins rien n’était perdu pour Henriette puisque la famille d’Entragues, dont le toupet et l’habileté faisaient l’admiration des spécialistes, était intacte.
Il n’y avait plus qu’à recommencer. C’est à quoi le comte d’Auvergne s’employa sans tarder…
À ce moment, la
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