Dans l'intimité des reines et des favorites
1604 : lorsque la cour eut condamné à mort François d’Entragues et le comte d’Auvergne, et « suggéré » de faire mettre la marquise de Verneuil dans un couvent, le roi intervint et accorda sa grâce. Les deux hommes virent alors leur peine commuée en emprisonnement perpétuel [170] et la favorite fut acquittée…
Une fois de plus, l’amour avait été plus fort que la raison d’État…
17
Pour revoir Charlotte de Montmorency,
Henri IV veut déclarer la guerre à l’Espagne
L’amour est une passion entrepreneuse de grandes choses.
Montaigne
Depuis son divorce, Margot entretenait avec le roi une correspondance amicale et presque affectueuse. Il lui écrivait : Je veux avoir plus de soin de tout ce qui vous concerne que jamais, et vous faire voir en toutes occasions que je ne veux pas être dorénavant votre frère seulement de nom, mais aussi d’affects…
Se souvenait-il alors qu’il avait pensé, jadis, à lui faire « sauter un mauvais pas » ?
Et elle qui avait, vingt ans auparavant, mobilisé à Agen toute une armée contre lui, répondait : Votre Majesté, à l’imitation des dieux, ne se contente pas de consoler ses créatures de biens et faveurs, mais daigne encore les regarder et consoler en leur affliction…
Après trente ans de combats, libres enfin de se détester, ils s’élançaient l’un vers l’autre avec une grande tendresse et s’inquiétaient soudain de leurs bonheurs respectifs. Il lui faisait remettre une importance pension, payait ses dettes, voulait qu’on la respectât, tandis qu’elle souhaitait, sans arrière-pensée, qu’il fût heureux avec Marie de Médicis, sa remplaçante. Elle lui avait envoyé des vœux lorsqu’il s’était remarié et une délicieuse lettre de félicitations quand le dauphin était né…
Tous les anciens griefs étaient oubliés.
Pourtant elle n’osait pas demander la permission de quitter Usson, où elle était prisonnière depuis dix-neuf ans…
Elle attendait une occasion favorable. Cette occasion, le procès d’Entragues, dont elle avait suivi les péripéties avec un intérêt fiévreux, allait la lui fournir ; elle le devina dès le premier jour en apprenant que le comte d’Auvergne était compromis. Aussi demanda-t-elle qu’on la tînt soigneusement au courant des progrès de l’enquête ; et quand elle sut que le bâtard de Charles IX était convaincu de trahison, toute frémissante, elle écrivit au roi.
Elle lui rappela tout d’abord que Catherine de Médicis, sous la pression de Henri III , l’avait déshéritée au profit de son « mauvais neveu » [171] , et lui démontra qu’il serait déplorable pour la sûreté du royaume que les terres, châteaux, domaines et places fortes du comte félon en Auvergne passassent aux mains de ses complices ou des Espagnols. Il me faudrait, ajoutait-elle, aller d’urgence à Paris faire un procès à ce « mal conseillé garçon », afin de rentrer en possession de mes biens. Après quoi, je me ferai honneur de les remettre à Votre Majesté et au dauphin…
Dès que cette lettre fut partie, Margot s’aperçut qu’elle n’aurait jamais la patience d’attendre une réponse du roi. Elle fit précipitamment ses malles, grimpa dans un carrosse et prit la route de Paris avec l’intention de mettre Henri IV devant le fait accompli ; or elle n’avait pas atteint Bourges que son équipée était déjà connue à la cour…
Sully vint à sa rencontre. Lorsqu’elle le vit, à Cercottes, le 14 juillet 1605, elle trembla, croyant qu’on allait l’arrêter ; mais le ministre s’agenouilla :
— Madame, Sa Majesté m’a chargé de vous dire qu’elle vous attend et que toute la cour s’apprête à vous recevoir…
Bouleversée, émue aux larmes, Margot bredouilla quelques paroles, remonta en carrosse et poursuivit son voyage vers Paris. À Étampes, des gentilshommes vinrent la saluer de la part du roi et de la reine ; et le 18 juillet 1605, dans la soirée, elle arriva au château de Madrid, à Boulogne, où elle avait décidé de s’installer.
Une désagréable surprise l’y attendait.
À sa descente de carrosse, elle vit un grand officier s’incliner devant elle. Flattée, elle lui tendit la main, le releva et blêmit. Cet homme que le roi avait jugé spirituel d’envoyer pour l’accueillir était Harlay de Champvallon, son ancien amant et son seul grand amour…
Il y eut un silence gêné et, pendant quelques
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