Dans l'intimité des reines et des favorites
reine et la favorite étaient de nouveau enceintes, « le roi leur ayant donné à toutes deux bon et effectif picotin ».
Marie de Médicis accoucha le 22 novembre 1602 d’une fille qu’on nomma Élisabeth, et la marquise de Verneuil, le 21 janvier 1603, d’une fille également, qui fut appelée Gabrielle-Angélique.
Toute la cour fêta ce double événement et le bon peuple, toujours facile à émouvoir, se réjouit d’avoir un souverain aussi vert et aussi galant…
Brusquement une nouvelle vint troubler cette joie générale : on apprit qu’un des secrétaires du roi, un nommé L’Hoste, chargé du déchiffrement des dépêches, était accusé d’avoir livré des secrets militaires et politiques à l’ambassadeur d’Espagne. La police voulut l’arrêter, mais il se sauva et se noya dans la Marne.
Une enquête fut ordonnée.
Aussitôt, le comte d’Auvergne quitta Paris précipitamment et se réfugia dans ses terres. Cette attitude étrange éveilla les soupçons de la cour, et tout le monde jasa sans aménité. Seul le roi, qui était d’une grande mansuétude à l’égard du demi-frère de sa maîtresse, ne fit aucun commentaire. On devait pourtant savoir assez vite que ce triste personnage était l’âme de la nouvelle conspiration.
Avec l’appui de l’Espagne et le concours d’une grande partie de la noblesse, il voulait faire reconnaître Henriette comme femme légitime du roi. Son plan était simple : la marquise se réfugiait avec ses enfants en Espagne, où Philippe III lui promettait une pension de cinquante mille livres et des places fortes, elle mariait son fils à une infante et attendait la mort de Henri IV . À ce moment, il suffisait de supprimer le dauphin et de faire monter Henri de Verneuil sur le trône…
En apprenant ces détails, le roi fut accablé ; car il lui fallait, cette fois, laisser châtier la famille d’Entragues dont la culpabilité était évidente. Après avoir hésité longtemps, il lui apparut soudain que c’était peut-être là l’occasion de reprendre sa fameuse promesse de mariage, et il fit arrêter François d’Entragues.
Au cours d’une perquisition au château de Malesherbes, la police découvrit des lettres du roi d’Espagne qui prouvaient la trahison du père de Henriette. Se voyant perdu, celui-ci, comme l’avait espéré le roi, pensa s’en tirer en rendant la fameuse promesse et indiqua l’endroit où il la tenait cachée. Envoyé par Henri IV , M. de Loménie partit immédiatement pour Malesherbes, où il trouva le papier « dans une petite bouteille de verre bien lutée et enclose dans une plus grande bouteille et du coton, le tout bien luté et muré dans l’épaisseur d’un mur ».
En revoyant cette promesse, cause de tous ses maux, le roi poussa un gros soupir de soulagement.
Quelques jours après, il fit arrêter le comte d’Auvergne et garder à vue la marquise de Verneuil dans son hôtel du faubourg Saint-Germain – ce qui fit grand plaisir à la reine.
— Tout est fini avec la marquise, dit le roi à ses familiers.
Et, pour bien le prouver, il prit sur-le-champ une nouvelle maîtresse… C’était une blonde dont le corsage « laissait apercevoir le beau modelé des épaules et de la poitrine ». Elle s’appelait Jacqueline de Bueil…
Rouée, elle n’accepta d’entrer dans le lit du roi que contre une forte somme. Tallemant des Réaux nous dit que « Henri IV , qui ne cherchait que de belles filles, et qui, quoique vieux, estoit plus fou sur ce chapitre-là qu’il n’avoit esté en sa jeunesse, la fit marchander et en conclut à trente mille écus ».
Sully paya en maugréant, et le Béarnais put s’offrir son tendron.
Après quoi, il songea à lui trouver un mari et fixa son choix sur Philippe de Harlay, comte de Cesi. Le mariage qui eut lieu le 5 octobre 1604 fut suivi d’une scène curieuse. En voyant le jeune homme entrer avec sa maîtresse dans la chambre nuptiale, le roi devint subitement jaloux. Il bondit, enfonça la porte, chassa Philippe de Harlay, se coucha auprès de Jacqueline de Bueil et « demeura à savourer les douceurs du déduit » jusqu’au lendemain, tandis que le marié rongeait son poing dans une chambre voisine…
Malgré cette nouvelle maîtresse, qu’il devait bientôt faire comtesse de Moret, Henri IV ne tarda pas à avoir la nostalgie de sa chère marquise. On le vit bien au cours du procès qui eut lieu à la fin de l’année
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