Dans l'intimité des reines et des favorites
tendresse à cet enfant délaissé était la bonne reine Margot. Elle venait dans sa chambre, le comblait de cadeaux, lui contait des histoires et le faisait jouer avec « une petite galère qui marchait par ressorts et dont les hommes ramaient par les mêmes moyens ».
Lorsqu’elle s’en allait, il était triste et la suppliait de revenir bien vite. Margot sentait alors son cœur se gonfler et, toute troublée, donnait de gros baisers au petit roi.
Louis XIII n’était pourtant pas le seul à bénéficier des sentiments maternels inemployés de la vieille amoureuse. Un jeune chanteur nommé Villars les partageait avec lui. Il est vrai qu’elle les exprimait à ce dernier de façon un peu différente, puisqu’il était son amant. En effet Margot, malgré ses cinquante-huit ans et sa taille imposante, n’avait pas « débridé ». Elle lorgnait toujours les jeunes gens d’un œil canaille et se promenait dans des robes largement échancrées qui laissaient voir des « tétins encore appétissants » dont elle était très fière. Un jour, un carme, dans son prêche, les compara « aux mamelles de la Vierge ». Ravie, elle lui envoya 50 pistoles pour le remercier…
Naturellement, elle était fort jalouse de son chanteur et, pour l’empêcher de séduire les jeunes filles de son âge, elle avait imaginé de le rendre ridicule. Le pauvre, que le peuple de Paris avait surnommé « le roi Margot », portait des chausses trouées et une affreuse petite casquette à plumes d’un modèle qui datait du règne de Henri III .
La reine ne le quittait guère et il passait des jours désagréables. Ses nuits n’étaient d’ailleurs pas plus réjouissantes, car Margot, qui brûlait encore d’une belle flamme, était exigeante. Elle demandait à son amant de réaliser des exploits qui le laissaient essoufflé jusqu’au matin et lui donnaient envie de chercher une autre occupation. Chaque soir, il avait beau, nous dit-on, « crier grâce et prétendre que l’inspiration lui faisait défaut, le malheureux devait s’exécuter, et la reine se faisait donner l’aubade comme au temps de sa folle jeunesse ».
Mais les meilleures choses ont une fin. Au printemps 1615, Margot dut se coucher seule, ce qui n’était pas bon signe. Elle avait attrapé froid dans la salle glaciale du Petit Bourbon et tremblait de fièvre. Le 27 mars, son confesseur l’avertit qu’elle était perdue. Elle fit alors appeler Villars, le baisa longuement sur les lèvres, sembla savourer ce dernier contact et mourut quelques heures plus tard.
Aussitôt le jeune musicien alla se coucher, impatient de rattraper toutes les heures de sommeil que la reine lui avait fait perdre.
Louis XIII , lui, eut un immense chagrin. Il voyait disparaître le seul être au monde qui lui eût jamais témoigné une affection réelle.
Pendant quelques jours, il cessa de jouer. Le voyant si triste, les dames de sa suite pensèrent le réconforter en lui rappelant qu’il devait se marier bientôt avec l’infante d’Espagne ; mais cette perspective l’attrista davantage.
— Je ne la connais pas, disait-il en soupirant. Et, pourtant, elle est déjà mon épouse. Qu’elle soit laide ou jolie, je devrai pareillement la mettre dans mon lit, l’accoler et l’aimer d’amour jusqu’à la fin de ma vie…
C’était vrai. Trois ans auparavant, en août 1612, Marie de Médicis avait signé avec Philippe III d’Espagne un contrat de mariage qui unissait Louis XIII et la petite Anne d’Autriche, âgée de onze ans.
Le jeune roi pensait à cette fillette sans aucun plaisir ; et pour se consoler de la mort de sa chère « maman-fille » il se lia avec un gentilhomme habile à attraper les hirondelles, le sieur de Luynes. Se consacrant, dès lors, à l’élevage des oiseaux, il se désintéressa complètement des préparatifs de son mariage.
Le 17 août pourtant, il dut monter dans le carrosse qui le menait vers sa « femme ». Il le fit sans enthousiasme. Le 30 août en arrivant à Poitiers, il retrouva un instant son sourire lorsqu’on lui annonça que sa mère venait d’attraper la petite vérole et que le mariage allait être, de ce fait, retardé d’un mois. Mais il comprit vite que c’était, si j’ose dire, reculer pour mieux sauter…
Enfin, il arriva à Bordeaux le 7 octobre et apprit que Anne d’Autriche venait de passer la frontière [208] . Aussitôt, il sembla se réveiller. Son regard devint plus
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