Dans l'intimité des reines et des favorites
pétillant et il demanda des détails sur le physique de son épouse. Comme personne ne put lui en donner, il se fit conduire un matin à Castres, à cinq lieues de Bordeaux, où la petite reine de France s’était arrêtée pour la nuit. Sans se faire remarquer par les Espagnols, il entra dans une maison, se posta à la fenêtre et regarda passer Anne d’Autriche.
Quand la rue fut redevenue déserte, il réintégra son carrosse et donna l’ordre au cocher de rattraper le cortège. Un moment, sa voiture roula contre celle de la petite reine. Fort intriguée, celle-ci passa la tête par la portière et Louis XIII découvrit qu’il avait pour épouse une adolescente délicieusement jolie. Enchanté, il lui fit de petits saluts en souriant ; puis, brusquement, il se montra du doigt et cria :
— Io son incognito ! Io son incognito ! Touche, cocher, touche !
Et il partit au grand galop en direction de Bordeaux.
Cet enthousiasme devait être de courte durée. Le soir, au cours de la fête donnée par Marie de Médicis, le jeune garçon sembla un peu intimidé par sa gracieuse épouse et n’osa lui dire un mot. Le lendemain, loin de s’enhardir, il se montra si morose que quelques familiers pensèrent qu’il envisageait peut-être avec appréhension sa nuit de noces, et « de menus propos très plaisants pour ce qu’ils concernaient le berlingot du roi » circulèrent dans la ville.
Enfin, le 25 octobre, la bénédiction nuptiale fut donnée aux époux. Le soir, ces deux enfants qui avaient l’un et l’autre quatorze ans se préparèrent à devenir mari et femme. Le jeune roi était blême. Il paraissait si peu sûr de lui que, nous dit Héroard, « M. de Gramont et quelques jeunes seigneurs lui firent des contes gras pour l’assurer ».
Ce qui était une délicate attention…
Le roi « avait de la honte et une haute crainte ». Il demanda ses pantoufles, prit sa robe et se dirigea, la mine défaite, vers la chambre de la reine. Deux heures plus tard, il réapparut et dit à Héroard, qui nous le rapporte, « qu’il avait dormi une heure et fait deux fois la chosette à son épouse ». Le médecin eut un doute et fit déshabiller le roi pour procéder à un petit examen. Il lui apparut que Louis XIII avait, en tout cas, essayé de déflorer la petite reine, car, écrit-il tout crûment, « il avait le gl… rouge »…
Le lendemain, le plus extravagant des communiqués fut rédigé. Le voici :
« Incontinent après que le roi eut soupé, il se coucha en sa chambre et en son lit ordinaire, selon sa coutume, où la reine sa mère, qui jusqu’alors était demeurée en la chambre de la petite reine et l’avait fait aussi coucher dans le lit de sa première chambre, le vint trouver, environ sur les huit heures du soir, passant au travers de la salle d’où elle avait fait sortir tous les gardes et tout le monde ; et, trouvant le roi dans son lit, lui dit ces mêmes paroles :
« — Mon fils, ce n’est pas tout d’être marié, il faut que vous veniez voir la reine votre femme qui vous attend.
« Le roi répondit :
« — Madame, je n’attendais que votre commandement. Je m’en vais, s’il vous plaît, la trouver avec vous.
« Au même temps, on lui bailla sa robe de chambre et ses bottines fourrées, et ainsi s’en alla avec la reine sa mère par ladite salle, en la chambre de la petite reine, dans laquelle entrèrent avec Leurs Majestés, les deux nourrices, MM. de Souvré, gouverneur, Héroard, premier médecin, marquis de Rambouillet ; MM. de la garde-robe portant l’épée du roi et Béringhien, premier valet de chambre, portant le bougeoir.
« Comme la reine approcha du lit, elle dit à la petite reine :
« — Ma fille, voici le roi votre mari que je vous amène ; recevez-le auprès de vous et l’aimez bien, je vous en prie.
« À quoi elle répondit en espagnol qu’elle avait aucune intention que de leur obéir et complaire à l’un et à l’autre ; et, ce disant, le roi se mit dans le lit par le côté de la porte de la chambre, la petite reine étant du côté de la ruelle, où avait passé la reine mère, laquelle, les voyant couchés, leur dit à tous deux ensemble quelque chose de si bas que personne du monde ne le pût entendre qu’eux : puis, sortant de ladite ruelle, dit :
« — Allons, sortons tous d’ici.
« Et commanda aux deux nourrices de demeurer seules en ladite chambre et les laisser ensemble une
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