Dans l'intimité des reines et des favorites
heure et demie ou deux heures au plus. Et ainsi se retira ladite dame reine et tous ceux qui étaient entrés avec elle en ladite chambre, pour laisser consommer ledit mariage. Ce que le roi fit par deux fois, ainsi que lui-même l’a avoué, et lesdites nourrices l’ont véritablement rapporté.
« Et après s’être un peu endormi et demeuré un peu davantage, à cause dudit sommeil, il se réveilla de lui-même et appela sa nourrice, qui lui rebailla ses bottines et sa robe, et puis le reconduisit à la porte de la chambre au-dessous de laquelle, dans la salle, attendaient lesdits sieurs de Souvré, Héroard, Béringhien et autres, pour le reconduire en sa chambre, où, après avoir demandé à boire et avoir bu, témoignant un grand contentement de la perfection de son mariage, il se mit en son lit ordinaire et reposa fort bien tout le reste de la nuit, étant pour lors onze heures et demie. La petite reine, de son côté, se releva au même temps que le roi partit d’auprès d’elle et rentra dans sa petite chambre et se remit en son petit lit ordinaire qu’elle avait apporté d’Espagne [209] . »
Ce document fut distribué aux membres du corps diplomatique par les soins de Marie de Médicis qui désirait, dans un but politique, affirmer que le mariage avait été consommé. Mais il fit sourire et le bruit se répandit à travers l’Europe que le jeune roi, pourtant si déluré à trois ans, n’avait pas pu…
Quoi qu’il en soit, on remarqua que le lendemain les deux enfants se regardaient d’un air gêné et paraissaient tristes.
Le soir, Louis XIII ne demanda pas à être reconduit dans le lit de la reine, et certains s’en étonnèrent. Ceux-là eussent été bien plus surpris encore s’ils avaient su que le roi ne devait pas manifester ce désir avant quatre ans…
Si la petite reine de France dormait chastement dans son lit « apporté d’Espagne », Marie de Médicis, elle, avait, disait-on, des nuits plus agitées.
Aussi, chaque matin, les Parisiens s’interpellaient-ils joyeusement en ouvrant leurs volets.
— Bien dormi, compère ?
— Oui, commère, mieux que la reine mère avec son Concini.
Car tout le monde était au courant de cette liaison que certains historiens nient aujourd’hui avec une obstination amusante. D’après eux, la Florentine n’était qu’une grosse chipie fort prude qui ne pensait qu’à la religion. Ce portrait est infidèle, car la plupart des chroniqueurs du temps nous disent que la reine mère était d’une rare impudicité. L’un d’eux nous apprend qu’elle avait une paillasse sur laquelle elle s’étendait les après-midi d’été presque entièrement nue. Cette désinvolture devait d’ailleurs être à l’origine d’un savoureux incident : le poète Gombaud, qui avait libre accès auprès de la Florentine [210] , entra un jour dans sa chambre et la trouva étendue, « les jupes relevées »… Il en fut si ému qu’il fit un sonnet dont voici quelques vers :
Que vîtes-vous, mes yeux, d’un regard téméraire,
Et de quoi, ma pensée, oses-tu discourir ?
Quels sentiments divers me font vivre et mourir,
Me forcent de parler autant que de me taire ?
[…]
Souvent je doute encore, et de sens dépourvu.
Dans la difficulté de me croire moi-même,
Je pense avoir rêvé ce que mes yeux ont vu.
En lisant ce poème, une prude eût été fâchée. Marie de Médicis, elle, fit donner à Gombaud une pension de douze cents écus.
Une autre anecdote nous prouve qu’elle ne détestait pas la gauloiserie. Un jour qu’elle disait : « Je voudrais toujours avoir un pied à Saint-Germain et l’autre à Paris », Bassompierre, qui se trouvait là, répliqua en clignant de l’œil :
— Moi, je voudrais être à Nanterre [211] .
Cette grosse plaisanterie la fit rire aux larmes.
Marie de Médicis, on le voit, était très différente du mannequin ennuyeux que nous montrent généralement ses pudiques biographes. Aussi accordons-nous quelque créance aux historiens qui nous disent qu’elle commit des « imprudences » avec Épernon, Bellegarde et Bassompierre. En ce qui concerne Concini, les faits semblent plus certains encore si l’on en croit, d’une part, tous les contemporains la Florentine, et d’autre part Michelet qui attribue au maréchal d’Ancre la paternité de Nicolas, duc d’Orléans, né en 1607…
D’ailleurs l’infidélité de Marie de Médicis était déjà connue,
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