Dans l'intimité des reines et des favorites
était estimé à plus de 200 000 écus. Il y donnait des fêtes princières.
Protégé par la reine, qui le couvrait de faveurs et lui donnait à peu près tout l’argent dont elle disposait [204] , il se rendit bientôt insupportable. À plusieurs reprises, des gentilshommes avec lesquels il s’était montré arrogant le firent rouer de coups. Cela ne lui servit pas de leçon, et il continua de régenter tout le palais avec une audace qui fit jaser. Son attitude devint si singulière que le menu peuple ne tarda pas à murmurer qu’il était l’amant de Marie de Médicis et que Léonora fermait les yeux pour n’être point privée des largesses de sa sœur de lait.
Des pamphlets, des chansons ordurières, où la reine était traitée de putain et le favori gratifié d’un nom de poisson, coururent la capitale. Plus mesuré dans ses propos, le grand-duc de Toscane se contenta d’écrire : L’excès de tendresse de Marie pour Concino et sa femme est odieux, pour ne pas dire scandaleux.
Mais cela revenait au même…
Après la mort de Henri IV , Concini, qui avait réussi à se faire donner par la reine la somme fabuleuse de huit millions d’écus [205] sur les sommes patiemment économisées par Sully, s’acheta le marquisat d’Ancre, en Picardie. Puis il devint premier gentilhomme de la chambre du roi, surintendant de la maison de la reine, gouverneur de Péronne, Roye et Montdidier, et enfin maréchal de France, sans avoir jamais tenu une épée.
À partir de ce moment, le favori fit la loi aux ministres et à la reine. Mais, rendu prudent par les attaques dont il avait été l’objet, il ne sortait jamais qu’accompagné d’un groupe de gentilhommes pauvres qu’il avait attachés à sa personne moyennant mille livres d’appointements par an, et qu’il appelait avec mépris ses coïons di milles lires…
Ce qui était, à l’adresse de ses gardes du corps, une plaisanterie de corps de garde…
Le gouvernement de Concini fut lamentable. Il en résulta un désordre et une anarchie qui donnèrent aux grands seigneurs du royaume l’idée de reprendre un peu de l’indépendance qu’ils avaient perdue sous le règne de Henri IV . Condé, qui, je l’ai dit, était rentré en France, se mit à leur tête.
En 1614, ils prirent les armes et réclamèrent la convocation des États Généraux. Désemparé, Concini, malgré son beau titre de maréchal de France, eut peur de marcher sur les rebelles et tenta de les acheter. Condé et ses amis étaient finauds ; ils acceptèrent l’argent, mais maintinrent leurs exigences…
Les États Généraux furent réunis en octobre 1614. Ils n’aboutirent à rien par suite des querelles qui opposèrent les députés du Tiers à ceux de la Noblesse, et la régente donna l’ordre d’arrêter les débats. Alors, un jeune évêque, venu de Luçon, se leva pour prononcer le discours de clôture ; après avoir exposé les revendications du Clergé, il changea brusquement de ton, et se mit à vanter en termes excessivement flatteurs les mérites de Marie de Médicis.
— Dans l’intérêt de l’État, dit-il, je vous supplie de conserver la régente !
C’était Armand Jean du Plessis de Richelieu qui aspirait, lui aussi, au pouvoir et convoitait la place de Concini.
Après les États Généraux, et sachant que son discours avait produit un excellent effet sur la vaniteuse Florentine, le jeune évêque chercha à s’introduire à la cour. Rusé, il se fit présenter à Léonora Galigaï, qu’il savait toute-puissante au Louvre, la courtisa et même, selon certains, devint son amant [206] .
Flattée par ces hommages inattendus, la maréchale d’Ancre prit Richelieu sous sa protection et lui fit obtenir l’office de grand aumônier de la reine.
Peu de temps après, il était secrétaire d’État…
Une femme venait de donner à la France l’un des plus grands hommes politiques de son histoire…
20
Louis XIII fait assassiner l’amant de sa mère
Tout s’arrange, mais quelquefois mal.
Jacques Bainville
Tandis que la régente accordait tout son temps et tous ses soins à Concino Concini, le petit roi vivait seul dans ses appartements.
Marie de Médicis ne venait le voir que pour le fouetter ou lui faire administrer de magistrales fessées par les dames qui le gardaient, et Tallemant des Réaux nous dit que « durant la Régence, elle ne l’embrassa pas une fois » [207] . La seule personne qui témoignât de la
Weitere Kostenlose Bücher