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Dans l'ombre de la reine

Dans l'ombre de la reine

Titel: Dans l'ombre de la reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fiona Buckley
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douceur :
    — Non, Lady Dudley, en aucune sorte ! C’est bien votre époux qui m’envoie, mais mon seul dessein est de vous aider, de vous réconforter, d’assister Mrs. Pinto de toutes les façons possibles…
    Mieux valait tenter d’amadouer un peu la dame de compagnie !
    — … et de vous distraire de mon mieux. Je sais jouer du luth et de l’épinette, et je chante un peu.
    J’adressai un sourire encourageant à Lady Dudley. Elle semblait presque trop effrayée pour me comprendre, mais, quoique tremblante, elle ne se répandit pas en larmes ou en supplications. Sous sa terreur subsistait une dignité désespérée, qui soudain me bouleversa. Je devais gagner son cœur, apaiser son tourment.
    En me donnant ses ordres, Dudley n’avait sans doute pas eu en tête les dispositions qui me vinrent à l’esprit :
    — De plus, je goûterai tout ce que vous consommerez, et – en présence de Mrs. Pinto – j’examinerai chaque vêtement avant que vous ne vous habilliez. J’accomplirai tout ce qui est en mon pouvoir non seulement pour vous convaincre que vous ne courez aucun danger, mais pour vous défendre si par malheur je me trompais. J’ai dit que j’étais là afin de vous servir. Je le pensais.
     
    Bien des années plus tard, je me reverrais, si jeune à Cumnor Place, devant la fenêtre du petit salon d’Amy Dudley. Aujourd’hui, je pense à elle comme à Amy plutôt qu’à Lady Dudley ; ce prénom s’accorde mieux qu’un titre solennel à sa jeunesse et à son impuissance.
    Le salon, comme tout le reste des appartements d’Amy, est meublé avec parcimonie. Entre les tables, les quelques sièges et l’unique banquette, le parquet est nu ; nus sont les grands murs entre les deux tapisseries qui couvrent les portes afin d’empêcher les courants d’air. Ceux-ci sont légion et font chuchoter Cumnor Place au milieu de ses ombres. La demeure remonte à plus de deux siècles. L’odeur de vieille pierre y est omniprésente et, parfois, on croirait presque que, telle une créature vivante, elle se souvient des moines qui vécurent là jadis, ou que leurs spectres la hantent. La nuit, à la lumière des chandelles, l’atmosphère donne le frisson.
    Dans un coin du salon se dresse un petit prie-Dieu très simple, sans rien de papiste. Une bible anglaise y est posée, ainsi que deux cierges dans de modestes bougeoirs. Amy s’y agenouille, dans son ample peignoir du matin et ses pantoufles chaudes, car bien que ce soit encore l’été, elle a toujours froid. Elle prie à voix basse, mais j’entends les mots qu’elle prononce. Elle supplie Dieu de la prendre en pitié, de la guérir de ses maux, de la délivrer du désespoir.
    Je sais ce qu’elle entend par « maux ». Je suis à présent ici depuis une semaine. Sous l’œil froid de Pinto, je l’aide à se vêtir et à se dévêtir. Cecil affirmait qu’Amy se portait bien, mais il l’avait vue habillée. Moi, je la vois nue. Son téton gauche est rouge et suintant, à côté d’une excroissance qui semble avoir consumé toute la rondeur d’un jeune sein. Son médecin, le Dr Bayly d’Oxford, l’a avertie qu’elle se mourait.
    Malgré sa brusquerie, je souhaiterais qu’il continue de venir car elle lui accorde sa confiance. Cependant, il s’est querellé avec Anthony Forster. Amy lui avait confié ses craintes que son époux cherche à l’empoisonner, peut-être par l’intermédiaire de Forster. Bayly l’a crue, a accusé Forster de but en blanc et s’est vu ordonner de quitter les lieux. Après cet incident, la rumeur qu’Amy redoute d’être assassinée a commencé à se répandre dans toute la région.
    J’attendais l’occasion de lui demander ce qui avait éveillé ses soupçons. Lorsqu’elle me parla de cet incident entre le médecin et le régisseur, le moment me sembla indiqué. C’était mon deuxième matin et Amy, qui s’était sentie faible à son réveil, prenait son petit déjeuner au lit. J’étais assise à côté d’elle, ayant mangé une tranche de son pain grillé et bu l’un des deux verres de vin chaud aux épices fournis sur mon insistance. Pinto nous regardait, glaciale (surtout parce qu’elle n’avait pas songé elle-même à cette précaution).
    — Lady Dudley, qu’est-ce qui vous a donné l’idée que l’on voulait attenter à votre vie ?
    — Madame a été malade, intervint Pinto d’un ton mordant. Trois ou quatre fois, peu après le dîner, sans que cela vienne d’un

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