Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Dans l'ombre de la reine

Dans l'ombre de la reine

Titel: Dans l'ombre de la reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fiona Buckley
Vom Netzwerk:
d’être écouté.
    Du moins, quelquefois. Brockley avait aussi des idées trop tranchées à mon goût. Tandis que la servante s’éclipsait, il reprit :
    — Exposez simplement à une haute autorité où nous sommes allés, pourquoi, et ce que nous avons observé. C’est là mon conseil, madame. Alors, l’affaire ne dépendra plus de vous seule et vous pourrez enfin oublier cette chasse à l’homme, qui ne sied pas à une dame.
    — Je me doutais que vous diriez cela avant longtemps.
    — J’imagine, répliqua-t-il, que vous grimpiez aux arbres étant petite.
    J’étais habituée, désormais, à sa manière de plaisanter en conservant son sérieux, que seule trahissait la lueur de ses yeux bleu-gris. Je souris.
    — Même adulte, je suis descendue le long d’un mur couvert de lierre pour m’échapper. Gerald et moi nous étions mariés contre la volonté de nos parents.
    — C’est vrai ?
    — Eh oui ! Nos familles étaient voisines. Gerald s’apprêtait à partir pour Londres, afin d’entrer au service de Sir Thomas Gresham. Nous prévoyions déjà de nous enfuir ensemble, mais nous avions coutume de nous retrouver sur la colline, et quelqu’un nous vit. Il avertit ma tante et mon oncle. En rentrant ce jour-là, je les trouvai qui m’attendaient, furieux. Voyez-vous, Gerald était censé épouser ma cousine Mary. Ils m’enfermèrent dans ma chambre, au grenier. La famille Blanchard avait aussi été informée. Gerald se querella avec son père et son frère ; il quitta sa maison le soir même et vint me chercher. Il lança des petits cailloux contre ma fenêtre, et quand je le vis, en bas, dans le clair de lune, je le rejoignis en m’accrochant au lierre. John nous attendait plus loin avec des chevaux, et nous partîmes sur-le-champ pour nous marier à Guildford.
    — Magnifique ! Quelle audace ! s’extasia Dale.
    — J’avais plus peur de rester que de m’enfuir, je crois. Et Gerald ne m’a jamais abandonnée. Du moins, jusqu’à ce que la vérole l’emporte.
    Je ne voulais pas me rappeler la fièvre qui consumait ses sens au point qu’il ne me reconnaissait plus, les pustules qui transformaient son beau visage en une horreur presque insoutenable.
    — Vous n’avez plus votre époux pour vous protéger, déclara Brockley avec gravité. Mais il y a sans doute à la cour une personne à qui vous pourriez transmettre ce fardeau.
    Je réfléchis, reconnaissant la voix du bon sens.
    — Je pourrais solliciter un entretien avec Cecil. Ou avec la reine. Néanmoins…
    — Pourquoi hésitez-vous ? m’interrogea Brockley. Il s’agit simplement d’énoncer des faits. Nous nous sommes rendus dans tel et tel endroit ; nous avons remarqué tel et tel détail. Vous aboutissez à certaine hypothèse. Serait-ce si lourd de conséquences ?
    — Oui, très lourd. Et c’est pour cette raison…
    Je tâchai de comprendre, de définir la cause de ma propre irrésolution.
    — C’est la gravité même de mes suppositions qui me rend malheureuse à l’idée d’accuser sans preuve.
    Je ne leur avais jamais parlé de la missive que j’avais chargé John de transmettre à Cecil, ni de mes soupçons envers Dudley. Mes compagnons croyaient qu’il portait juste un message à Bridget. Je ne pouvais évoquer devant eux une trahison alors que ce n’était, pour l’heure, qu’une théorie.
    — C’est encore trop vague. Si je parle et que je me trompe, cela n’amènera rien de bon et causera des ennuis à des gens comme les Westley et les Mason. Je veux peser mûrement ma décision avant d’aller plus loin. Partons pour le Sussex. À notre retour, j’espère y voir plus clair.
    Peut-être, alors, aurais-je parlé à Matthew.
    Deux jours plus tard, nous étions dans le Sussex.
     
    — C’est là ! dis-je, impatiente, en pressant ma monture.
    J’avais accompli mon devoir envers John en rendant visite aux siens dans leur petite ferme, située au sud-est de Faldene.
    Alice et Tom Juniper étaient de braves gens. Avant de rejoindre la cour, j’avais séjourné chez eux. Le sol était en terre battue et l’unique pièce du bas jouxtait l’étable, dont elle n’était séparée que par un demi-mur de bûches fendues. Ce lieu était toujours empli de la tiède odeur du bétail, et quand nous nous asseyions près du feu à la veillée, nous entendions les vaches ruminer. Le reflet des flammes jouait parfois sur la pointe d’une corne ou sur un œil humide, au-delà de la

Weitere Kostenlose Bücher