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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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adolescents, qu’il voulait brider par la terreur, il énumérait devant eux les maladies dont les prostituées étaient affligées, leur répétant inlassablement que, s’ils fautaient, ils auraient eux aussi le corps couvert de plaies purulentes et de pustules ; ils deviendraient des monstres ; ils seraient livrés à mille tourments physiques et spirituels. Hors mariage, la chair leur serait fatale. Dans ses cauchemars d’enfant, Antoine voyait souvent Monsieur le curé comme un corbeau qui croassait des obscénités sur une branche, au milieu d’un paysage hivernal.
    Restaient les femmes du peuple. Mais Antoine ne voulait pas prendre le risque de les engrosser. Il avait déjà eu de la chance, une ou deux fois, il ne fallait pas tenter le diable. Trop souvent, il avait vu les pères de ses amis acheter le silence des servantes comme on négocie les faveurs des putains. À Toulouse, il voyait régulièrement l’une de ces filles mères, une jeune femme de vingt-deux ans, qui filait dans la rue en rasant les murs, comme une ombre, sous les regards désapprobateurs et hargneux de quelques vieilles biques trop sèches et d’une camarilla de bourgeois confits en dévotion.
    Il attendit encore. Il sortit dans la rue où il marcha comme un Basque, à grands pas. Puis il rentra. Peut-être était-elle venue sans qu’il s’en aperçût. Sortir, rester, il ne savait dans quel abîme se jeter. La tension avait atteint son comble quand il entendit frapper.

VI
    Juliette était plus belle que jamais. Son retard ne semblait pas même l’embarrasser. Elle souriait. Elle voyait bien qu’Antoine était à la fois rouge de colère et profondément soulagé de la voir.
    — Vous ne dites rien. Je vous ai attendu pendant des heures…
    — Je sais, Monsieur Loisel.
    — Appelez-moi Antoine, je vous prie…
    — Une de mes clientes m’a demandé de recoudre une robe pour demain et je ne pouvais refuser.
    Le Toulousain fronça les sourcils à la manière d’un fiancé jaloux.
    — Et moi, je passe donc après vos clientes ?
    — Ne vous mettez pas en colère, c’est inutile. Si je devais seulement compter sur la peinture, croyez-moi, je ne mangerais pas à ma faim.
    — Ah ! C’est donc une question d’argent ! Je peux vous en donner plus.
    — Les choses ne sont pas aussi simples… Je ne voudrais pas indisposer des personnes qui me font confiance depuis des années.
    — Juliette, j’ai besoin de vous. Votre présence m’est nécessaire. Vous m’inspirez…
    — Oui, j’ai pu le constater l’autre jour, dit-elle, taquine.
    Il se détendit un peu.
    — Bien, oublions cet incident et mettons-nous au travail.
    Elle se déshabilla et prit la pose. Antoine commença à la dessiner, mais, en raison de sa nervosité, il ne parvenait à rien ; ses mains tremblaient ; les traits de fusain filaient de travers ; tout était maladroit, lourd, grossier. Juliette s’en aperçut rapidement.
    — Eh bien, qu’avez-vous, je vous trouve très agité, pourquoi ne pas venir un moment près de moi ?
    Il hésita, en se souvenant de son premier échec.
    — Vous voulez me torturer…
    — Venez !
    Il s’installa près d’elle, sur le lit. Elle était à demi nue.
    — Je vous aime.
    — Taisez-vous, vous ne savez pas ce que vous dites, vous me connaissez à peine.
    — Je vous le jure, je n’ai jamais ressenti une telle passion.
    Le visage de Juliette se transforma soudainement. Il exprimait autant de tristesse que de colère.
    — Ne dites pas de bêtises !
    C’était la première fois qu’elle se montrait agressive.
    — Je ne suis pas à votre goût, ou alors…
    — Ne m’interrogez pas…
    Antoine demeura un moment déconcerté ; puis il parut triste à son tour. Juliette s’apaisa, lui frôla délicatement la joue du dos de la main. Il la saisit et l’embrassa. Elle ne résista pas. Elle eut au contraire une respiration sonore. Enhardi, il alla plus loin, ôta le drap, commença à caresser avidement ses seins, puis à les pétrir, à les embrasser, à en sucer les tétons avec fougue. Il voulait avoir mille mains, mille lèvres, mille sexes, pour la sentir et la pénétrer davantage. Il prit le temps de la faire jouir. Ce fut une explosion d’une intensité inconnue. Il eut l’impression de la foudroyer. Il sentait frémir son corps sous l’effet de cette décharge. Ils étaient tous deux agités de légers spasmes, puis de secousses décroissantes comme les dernières convulsions

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