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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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à Jeanne pour ne pas lui faire de peine.
    Le soir venu, Caboche, Jacques-la-Mule, Hector, Henriette et Pierre investirent le faubourg Saint-Germain. Derrière eux, Baptiste traînait une charrette à bras dans laquelle la troupe avait rangé ses accessoires de théâtre.
    — J’ai dit à la Mule de venir avec son chien parce qu’ils jouent tous les deux du violon, dit Pierre. Et puis j’ai pris mon tambour pour rouler des baguettes comme les saltimbanques quand un acteur monte sur les planches.
    — Bien. N’oublie pas qu’il ne s’agit pas de refaire la Révolution, mais seulement de plaire à une dame.
    À ces mots, tout le monde prit place sous la fenêtre d’Amélie dont on vit apparaître le visage près du rideau. Une dizaine de badauds, des femmes du peuple chargées d’enfants, un soldat, des ouvriers au repos, des bourgeois en promenade et même un abbé, qui cherchait à se divertir entre vêpres et le souper, se mirent en cercle autour de la bande.
    — Oyez, oyez, brailla Chartier, le visage rutilant et le nez rouge, embrasé comme une torche. Oyez, bonnes gens, et regardez la célèbre troupe de maître Caboche se produire devant vous.
    Les trémolos cocasses du roi des gueux, sa grande houppelande bariolée, faisaient déjà rire les enfants.
    — Ventrebleu ! Où est ma couronne, rugit-il de sa voix d’ogre.
    Il ajouta aussitôt en se tournant vers Pierre.
    — Alors, petit page ?
    — Voilà, Sire, votre couronne en peau d’andouille, celle que préfère Votre Gourmande Majesté.
    — Ah ! Ma chère peau d’andouille, foi de Bourbon, je m’en vais bourbonnailler tout mon saoul, nimbé de l’appétissant diadème.
    — Votre Andouille, euh ! Votre Majesté a-t-elle bien chassé aujourd’hui ?
    — Chasser, eh ! Mon petit, tu sais bien que moi, le roi des Francs Coquins, je ne sais faire que cela, à part ripailler et riboter bien entendu. J’ai mis mes bottes de sept lieues et ma belle jaquette caca de pigeon pour courre le cerf.
    Tout le monde éclata de rire. Antoine regardait sans arrêt vers la fenêtre d’Amélie. Il jurait qu’elle riait aussi.
    — Maintenant que j’ai ripaillé tout mon saoul, je vais piquer un petit somme sur ce gentil fauteuil que voilà et, surtout, qu’on ne me dérange pas.
    C’est alors qu’Henriette entra en scène.
    — C’est moi Antoinette, dit-elle en se caressant le corps voluptueusement. Ah ! Je frémis, je blêmis, je me pâme. Il me faut un homme sur-le-champ pour me satisfaire. Un homme vite !
    — Le roi est là qui ronfle sur son fauteuil, répondit Pierre, le petit page.
    — Le roi ? J’ai dit un homme, par ce gros cochon qui s’ébroue après la bâfre.
    Les rieurs s’en donnèrent à cœur joie. Mais Antoine commençait à craindre que la caricature n’allât un peu trop loin et n’offusquât les sentiments monarchiques de sa belle.
    — Il me faut un homme. Ah ! En voilà un, le beau militaire, mon La Fayette que j’aime !
    — Mais vous le détestez, Majesté.
    — Ah oui, c’est vrai, petit page, tu as raison, mais aujourd’hui, j’en suis folle d’amour ; du moment qu’il porte culotte, il me convient. Ah ! Comme il est fringant le zèbre.
    Pierre fit un long roulement de tambour et l’on vit arriver Hector, le compagnon d’Henriette, déguisé en commandant de la milice nationale. Son entrée théâtrale fut accueillie par un tonnerre d’applaudissements.
    — Oh ! Ma jolie Antoinette, reine de mon cœur, comme ton petit museau de fouine est mignon. Viens donc ici que nous fassions quelques culbutes patriotiques.
    — Viens dans mes bras, mon héros des Deux Mondes, portée par ta fougue, je chanterai même la Carmagnole .
    Et le spectacle s’acheva en chansons. Jacques-la-Mule fit grincer son instrument accompagné par les hurlements du chien Ragot. Antoine comprit alors pourquoi Pierre disait qu’ils jouaient tous les deux du violon. Il leva encore une fois les yeux vers la fenêtre. Cette fois, Amélie avait rapproché le chandelier et l’on voyait son visage distinctement. Elle lui souriait.
     
    Il pensait que tout était terminé, mais, le lendemain, il trouva les volets fermés. Il refit des tentatives les jours suivants, en vain. Personne ne répondait. Antoine eut un coup au cœur en songeant qu’Amélie était sans doute partie. Comment avait-il pu imaginer que Gabrielle déposerait si facilement les armes ? Une servante de l’hôtel, qui l’avait pris en amitié,

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