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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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de repos. Il repensa aux larmes d’Amélie, à la beauté de ses grands cils humides, à la profondeur de son regard mélancolique. Avant ce jour, il n’avait pas mesuré à quel point il l’aimait. Ce n’était pas la crainte de la perdre qui suscitait cette prise de conscience. Il était loin de ces minauderies d’adolescents, de ces jeux puérils où la force des sentiments se mesure à l’indifférence de l’être aimé. Pour la première fois, il réalisait qu’elle tenait vraiment à lui. Elle n’avait pas pleuré par dépit, par jalousie ou parce que sa vanité était meurtrie, mais parce qu’elle accordait une valeur unique à leur relation. Jusqu’alors, les rapports amoureux d’Antoine n’avaient été constitués que de deuils, d’abandons et de frivolités. L’attitude d’Amélie lui ouvrait des horizons insoupçonnés. Le peintre avait l’impression de se forger une nouvelle identité. Il existait réellement dans le regard de cette femme. Sans doute était-ce même le véritable Antoine Loisel que reflétaient les yeux d’Amélie. Et, puisqu’elle l’aimait, c’était peut-être qu’il y avait en lui quelque chose d’aimable.
    On frappa à la porte. Il alla ouvrir. C’était Mme d’Anville.
    — Je suis venue prendre de vos nouvelles, Antoine. J’étais inquiète de savoir… Mon Dieu ! Vous avez une mine abominable, que vous est-il arrivé ?
    Il lui prit les mains chaleureusement et la fit entrer.
    — Ma chère Éléonore, si vous saviez comme je suis heureux.
    — Vous… Vous avez eu des nouvelles de cette fille ?
    — Quelle fille ? Qui vous parle d’elle ! Elle n’existe pas et n’a jamais existé. À vous, qui êtes ma seconde mère, je peux tout confier. Je suis éperdument amoureux de Mlle de Morlanges.
    — J’en suis bien aise pour vous, Antoine, fit-elle en lui caressant les cheveux… Mlle de Morlanges est-elle informée de la relation que vous avez eue avec… ?
    — Oui, par sa tante, une femme nuisible… mais tout cela n’a plus d’importance aujourd’hui, puisque je sais qu’Amélie et moi nous nous aimons.
    L’enthousiasme d’Antoine était communicatif et Éléonore se mit à rire de joie. Il eut une quinte de toux.
    — Je le savais, dit-elle, vous êtes malade. Je vais vous soigner.
    — Il n’en est pas question, rétorqua-t-il en se redressant, je dois lui parler ce soir même.
    — Vous êtes fou, les nuits sont froides et vous ne tenez pas debout.
    — Ne vous inquiétez pas. Rien ne m’arrivera ; je sens que je pourrais déplacer des montagnes.
    Il sortit et courut jusqu’au faubourg Saint-Germain.
     
    La nuit était tombée. Il n’y avait presque personne dans la rue. Antoine découvrit avec plaisir que la chambre où logeait Amélie était de nouveau éclairée. Il se mit en quête d’un objet qu’il pourrait lancer sans faire trop de bruit. Il trouva finalement quelques petits cailloux. Il en lança deux. La fenêtre s’ouvrit.
    — Que voulez-vous ? murmura Amélie avec agacement.
    — Vous parler, répondit-il d’une voix étouffée.
    — Je n’ai pas envie de vous entendre.
    — Les criminels eux-mêmes ont le loisir de s’exprimer devant leurs juges. Me refuserez-vous cette grâce avant de me condamner définitivement ?
    Elle parut troublée.
    — L’injure que vous m’avez faite est trop grande… Et maintenant, partez, j’entends ma tante qui vient.
    Elle referma les volets précipitamment. Antoine attendit dans le froid pendant un quart d’heure. Sa toux s’accentuait. Une fois que la lumière de la chambre fut éteinte, il lança à nouveau de petits cailloux. Au bout de quelques instants, la fenêtre s’ouvrit et Amélie se présenta avec une chandelle à la main.
    — Allez-vous donc partir ? Vous risquez de réveiller tout le quartier !
    — Je m’en moque.
    Il eut une toux grasse.
    — Rentrez, vous allez attraper une fièvre quarte.
    — Tierce ou quarte, je n’en ai cure !… Vous vous préoccupez de ma santé, c’est que vous n’êtes pas totalement indifférente à mon sort…
    — J’en dirais autant pour le dernier des mendiants.
    — Je ne vous crois pas.
    — Taisez-vous ou ma tante appellera la garde nationale.
    — Qu’elle appelle donc tous les régiments du roi, je ne bougerai pas d’ici.
    La vilaine figure de Gabrielle apparut dans l’encadrement de la fenêtre.
    — Monsieur, cette fois c’en est trop. Je fais mander la garde.
    — Faites, Madame,

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