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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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alors un regard sévère, puis se précipita vers les hautes herbes d’où provenaient encore les lamentations du blessé. Antoine ne voyait que la tête et les épaules du paysan, mais il distingua le mouvement caractéristique du faucheur, celui du balancier tranchant. Et, en effet, il n’entendit plus un seul cri.
    La nuit était tombée. Monnier s’approcha d’Antoine.
    — Demain nous marchons sur Saint-Hilaire-de-Loulay et, si Dieu est encore avec nous, nous continuerons jusqu’à Montaigu.
    Cette seule phrase lui fit oublier tout ce qu’il venait de vivre. Il allait enfin se rapprocher d’Amélie, et rien d’autre ne comptait.
     
    Le lendemain, ils se rendirent comme prévu au rassemblement de Saint-Hilaire. Il ne restait plus que trois quarts de lieue 1 pour atteindre Montaigu et la foule des rebelles avait encore augmenté. L’agitation d’Antoine était à son comble.
    Monnier fit ouvrir les portes de l’église que les patriotes avaient fermées depuis longtemps ; on y sonna les cloches avec allégresse. En pénétrant de nouveau dans le sanctuaire, les paysans semblaient oublier toutes les souffrances et les humiliations qu’ils avaient endurées.
    On décida enfin de marcher sur Montaigu. Antoine en tremblait d’excitation et de joie.
    Les gendarmes et la garde nationale les attendaient dans les fossés de la ville avec deux pièces de canon. Antoine avançait au milieu des paysans, à travers champs ; seul le sacristain de Saint-Hilaire-de-Loulay marchait sur la route, en tête de colonne. Vêtu d’un surplis qu’il avait trouvé dans l’église, il portait une vieille statue de bois de saint Hilaire à moitié rongée par les vers. Antoine était persuadé qu’il serait abattu dès le premier coup de fusil. Les Bleus firent en effet une décharge. Mais quand la fumée se dissipa, le sacristain continuait de marcher, imperturbable.
    — En avant, mes amis, cria-t-il, ne craignez pas ! Voyez le bienheureux saint Hilaire, les coups de balles qu’il a reçus ! Marchons ! En avant !
    Galvanisés, les Vendéens se jetèrent avec ardeur dans la mêlée. Les paysans affluaient de toutes parts. Depuis onze heures du matin, une première troupe avait été rejointe par les cinq mille insurgés du pays de Retz, qui avaient pris Bourgneuf et Machecoul, et déferlaient par la route de Nantes.
    La garde nationale plia finalement sous le nombre et les survivants se retranchèrent dans le château où ils furent bientôt surpris.
    Quelques habitants tentèrent une médiation pour éviter le pire, mais les paysans étaient tellement en colère, qu’après une brève hésitation, ils massacrèrent une trentaine de patriotes. Antoine ne cherchait même pas à les en empêcher ; il courait de tous côtés pour trouver sa femme. Il ne la vit nulle part. Il resta un moment immobile, désemparé, puis revint dans la cour du château où l’agitation s’amplifiait.
    Soudain, il entendit crier son prénom. Son cœur s’arrêta de battre. Il observa nerveusement la foule, redoutant une méprise. Il savait qu’une fausse joie l’anéantirait. Mais cette voix, cette silhouette qui s’agitait au loin, c’était bien elle. Les rebelles venaient de la libérer. Antoine eut l’impression que son sang irriguait à nouveau ses veines, que ses membres se réchauffaient. Ils se précipitèrent l’un vers l’autre, puis s’embrassèrent avec fougue. Mais Amélie interrompit subitement leur étreinte.
    — Aide-moi à sauver ces pauvres gens, je t’en supplie.
    — Il n’en est pas question !
    — Beaucoup de paysans me connaissent, je ne risque rien, insista-t-elle, bien décidée à passer outre.
    Antoine comprit qu’il ne pourrait lutter contre une telle détermination.
    Ils coururent aussitôt vers un groupe d’insurgés ; l’un d’eux venait de planter sa fourche dans le flanc d’un républicain qui implorait grâce. Avec un courage extrême, Amélie se plaça devant la victime, interpellant le rustre aux yeux embrasés de rage.
    — Je suis la fille du marquis de Morlanges, cria-t-elle, et je ne vous laisserai pas tuer cet homme.
    Le paysan hésita, puis baissa sa fourche toute maculée de sang. Amélie en profita pour attraper le furieux par la manche et, s’adressant aux autres, elle leur dit :
    — Allez-vous déshonorer le beau nom de chrétien que vous portez ? Pensez aux paroles de miséricorde de notre Sauveur ! Et montrez-vous dignes de celui qui s’est ainsi offert

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